Transition écologique et sociétale : du volontarisme et des idées pour des campus exemplaires
Photo : Mathias Bernard / Université Clermont-Auvergne
Former ceux qui vivront dans la France de demain ; trouver, grâce à la recherche, les solutions techniques qui créeront un monde soutenable : « les universités sont attendues pour accompagner la société dans les transitions environnementales et sociétales ».
Alors que vient de se clôturer le colloque Ecocampus 2023 « vers des organisations soutenables au service des territoires », Mathias Bernard, président de l’Université Clermont-Auvergne et membre du CA de France Universités, nous éclaire sur la façon de rendre effective la transition écologique dans les universités, en instituant notamment des campus inspirants pour la société. Et pour répondre aux difficultés de financement, Mathias Bernard en appelle au lancement d’un nouveau Plan campus
France Universités : Pourquoi les universités doivent-elles devenir des campus exemplaires, au regard de la transition écologique et sociétale ?
Mathias Bernard : Les missions de l’Université sont fondamentalement tournées vers l’avenir. Par la formation, nous préparons les jeunes à être des citoyens et des professionnels de la France de demain ; par la recherche et l’innovation, nous fabriquons les solutions dont le monde aura besoin.
Avec deux millions de personnes qui y travaillent chaque jour, l’Université doit être exemplaire en menant ses activités de formation et de recherche dans des bâtiments durables. Les campus sont aussi des lieux qui permettent de tester des pratiques éco-responsables innovantes.
Les universités sont attendues pour accompagner la société dans les transitions environnementales et sociétales. Et pour réussir les transitions, la gouvernance de chaque université doit mener une stratégie globale, capable de mettre en place des actions coordonnées pour chacune de ses missions : la formation, la recherche, la vie étudiante, le patrimoine immobilier…
Quels outils mettre en place ?
Le portage politique est la clé.
Le ou la président.e de l’établissement et l’équipe de gouvernance sont à l’avant-poste pour formaliser une stratégie globale. A travers le plan Climat et biodiversité, le Gouvernement a demandé à chaque université d’élaborer, d’ici 2024, un schéma directeur Développement durable et responsabilité sociétale. Ces derniers ont vocation à formaliser la stratégie de chaque établissement en listant et en priorisant les actions. Les schémas directeurs comprendront, certes, certains passages obligés, telle la réduction de l’impact carbone et de l’impact énergétique. Mais en tant qu’établissement autonome, les universités pourront définir aussi leurs propres priorités en fonction de leur projet et de leur identité !
Prenons un exemple concret. Créée en 2017, l’université Clermont-Auvergne que je préside a mis au cœur de son identité la création de modèles de vie et de production durable. Si l’élaboration d’un schéma directeur est dans le prolongement logique de ce choix stratégique, nous allons néanmoins nous en servir pour amplifier notre politique de rénovation des bâtiments, et mettre en place des actions concrètes : gestes écoresponsables, implication des étudiants dans la gestion des bâtiments… Nous entendons également mettre l’accent sur le transfert des résultats de la recherche en Développement durable aux entreprises du territoire, aux collectivités territoriales, et aux associations.
Autre moyen : avoir les ressources humaines en interne pour élaborer et assurer le suivi de la stratégie immobilière. Aujourd’hui, les équipes sont professionnalisées. Mais leurs compétences sont très recherchées. Attirer, former et garder les talents est un enjeu réel pour les universités.
Et les moyens budgétaires bien sûr doivent être évoqués. La rénovation du patrimoine et son maintien à un haut niveau de performance supposent des financements, aujourd’hui insuffisants et volume et en durée. En effet, les financements actuels, via les CPER, se font généralement sur 6 ans. Or, il faut 15 ans pour déployer une stratégie immobilière !
La mise en place d’un nouveau plan Campus, programmé sur au moins 10 ans, serait nécessaire aujourd’hui. Celui-ci devrait permettre les financements directs de l’Etat, bien sûr, mais aussi assurer les recours à l’emprunt, ou encore la mobilisation des fonds de roulement. Notons que cette ingénierie financière est tout l’enjeu du programme PEEC 2030 que France Universités a engagé dès 2016. Une vingtaine d’universités sont impliquées dans cette démarche dont l’objectif est d’élaborer des modèles économiques qui puissent aider les universités à envisager le financement de leur stratégie immobilière.
Comment France Universités accompagne-t-elle les établissements au quotidien ?
Le PEEC 2030 que nous venons d’évoquer est une réponse. Une vingtaine d’universités y participent aujourd’hui. Elles partagent et mettent en commun leurs bonnes pratiques, et cherchent à voir comment ces dernières seraient réplicables pour d’autres établissements. L’enjeu aujourd’hui est d’impliquer l’ensemble des établissements de France Universités dans cette dynamique. La labellisation DD&RS des établissements, appuyée par France Universités, est également une démarche qui monte en puissance.
Par ailleurs, France Universités vient de se saisir de la préconisation gouvernementale d’assurer la formation des président.e.s aux enjeux de développement durable. En 2023, 4 séances sont prévues pour envisager l’ensemble des aspects (gouvernance, formation, recherche et pilotage). La première session a d’ailleurs eu lieu le 16 mars dernier et a porté sur la mise en place des schémas directeurs.
Et puis n’oublions pas tous les évènements organisés par France Universités tout au long de l’année destinés à embarquer la communauté universitaire: le colloque consacré à la formation aux transitions qui s’est tenu à l’Université de Bordeaux, en octobre 2022 ; l’Université d’été 2022 « L’Université, cœur battant des transitions » en août 2022 ; et très récemment le colloque Ecocampus 2023 « Vers des organisations soutenables au service de territoires en transition ».
La volonté politique est plus que jamais au rendez-vous. Donnons-nous les moyens de créer les conditions d’un modèle durable, juste et harmonieux. Pour la rénovation du patrimoine, le nouveau plan Campus que nous appelons de nos vœux serait une première réponse !
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