Prix des universités pour la Recherche : récompense pour le Programme Intelligence Environnementale Commun
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Prix des universités pour la Recherche : récompense pour le Programme Intelligence Environnementale Commun

France Universités : date de publication

    Au cours du Congrès de France universités, le 13 janvier dernier, le Prix des universités pour la Recherche a été remis par Karine Lacombe, professeur de maladies infectieuses à la faculté de médecine Sorbonne Université / Praticien hospitalier, et attribué au Programme Intelligence Environnementale Commun (PIEC) du regroupement UNIR, représenté par Luc Aquilina (Université Rennes 1) et Véronique van Tilbeurgh (Université Rennes 2). Dans cette interview, les deux chercheurs mettent en lumière la spécificité de cette « approche scientifique fondée sur la co-construction qui rassemble des acteurs issus d’univers différents, mais travaillant sur la même problématique », toujours liée à l’environnement.
    Véronique van Tilbeurgh est sociologue de l’environnement ; Luc Aquilina est issu des sciences bio-physiques. La diversité de ces champs disciplinaires, à l’image de la constitution du PIEC, permet une complémentarité précieuse pour saisir la complexité du phénomène étudié et « proposer des solutions aptes à faire évoluer les choses, de façon acceptable pour tous ».

    Pouvez-vous nous présenter le PIEC ? A quels projets participe-t-il et comment ?

    Luc Aquilina : Le PIEC n’est ni un laboratoire, ni un projet de recherche. C’est une démarche collective suivie par un certain nombre de chercheurs qui veulent faire de la recherche autrement. Le PIEC est une approche scientifique fondée sur la co-construction qui rassemble des acteurs issus d’univers différents, mais travaillant sur la même problématique. Il s’adresse à la fois aux chercheurs, et aux acteurs du territoire : collectivités territoriales, services de l’Etat, acteurs de la gestion du milieu et des ressources, agriculteurs, citoyens et acteurs du monde industriel. En parallèle, le programme correspond à une forte implication des établissements d’enseignement supérieur du territoire rennais.
    Cette démarche permet de voir les façons dont des acteurs venant d’horizon très divers perçoivent et formulent les problèmes environnementaux et ainsi de prendre en compte leur complexité. Par ailleurs, la compréhension des freins qui existent dans la société permet de proposer des solutions adaptées.

    Véronique van Tilbeurgh : En effet, il est important de partir de la compréhension qu’ont les acteurs de leur monde, et du sens qu’ils donnent aux phénomènes. C’est pour cela que le travail interdisciplinaire est primordial dans notre démarche.
    Je préciserais qu’en sciences humaines et sociales, les freins ne sont pas perçus comme tels. Pour nous, ce sont plutôt des façons différentes de comprendre le monde. En partant d’une diversité de points de vue, il s’agit de proposer des solutions sans aprioris, de façon acceptable pour tous. Nous avons besoin de comprendre comment les gens se positionnent par rapport aux problèmes environnementaux avant de co-construire des solutions. Par exemple, si on travaille sur problématique de la gestion de l’eau, il faut se poser la question de la sensibilité des gens aux paysages avant de construire des plans de gestion.
    Fidèles à cette démarche méthodologique, des projets se montent à l’intérieur du PIEC. L’organisation de séminaires et de colloques, tout en participant à une animation scientifique, permet déjà de confronter les points de vue.

    Le PIEC associe sciences environnementales, sociales et digitales. Comment cette interdisciplinarité permet-elle de construire un lien entre science et société ?

    L A : Au sein du PIEC, nous travaillons beaucoup autour de la question de la ressource en eau potable car c’est une question majeure pour l’alimentation des populations, pour l’écologie, et pour la protection des milieux.
    Par ailleurs, la problématique de l’eau est un signe distinctif de Rennes.

    V VT : Oui, et nous traitons aussi beaucoup de sujets relatifs à l’agro-écologique, comme les algues vertes.
    Pour répondre aux défis environnementaux, les outils numériques apportent des éléments précieux. En effet, les sociétés sont pour la première fois confrontées à ces problèmes : nous n’avons donc pas de stocks de connaissances et de données dans lesquelles puiser. Les réponses aux problèmes environnementaux sont à inventer.
    La modélisation et les capteurs, par exemple, qui reposent sur des technologies numériques, permettent de proposer des éléments de réponses, mais en aucun cas une réponse toute faite. Pour faire avancer nos recherches, nous avons besoin de prendre un compte les diverses connaissances concrètes des acteurs sur la thématique environnementale. C’est ainsi que dans certaines approches, la modélisation peut être co-construites avec tous les acteurs pour trouver des solutions opérationnelles plus rapidement. Dans d’autres approches, les modèles sont adaptés au terrain et attentes des citoyens.
    Le projet « Rivières 2070 » illustre bien cette dynamique. L’organisation d’ateliers participatifs permettent, dans un premier temps, d’apporter aux participants un socle de connaissances commun. Par la suite, ces derniers travaillent sur les scénarios qu’ils envisagent, chacun en fonction ses compétences, de ses intérêts et de ses attentes prenant en compte, ainsi, l’effet de la gestion sur les paysages ou sur les dynamiques de population. Une fois les scenarios stabilisés, leur modélisation sera réalisée. Elle permet de montrer l’impact que chaque scenario peut avoir sur le paysage. Y aura-t-il un assèchement des zones humides ? Faut-il mettre des capteurs supplémentaires ? Mettre tout à plat demande du temps !
    Une trentaine d’acteurs au profils divers participent aux ateliers de « Rivière 2070 » : jeunes impliqués dans les questions environnementales, représentants des associations environnementales et des usagers, services des collectivités territoriales, élus, structures en charge de l’alimentation en eau potable, gestionnaires de l’eau, agriculteurs, ONG.

    Le PIEC associe 11 entités (1). En quoi la capacité à travailler en commun est-elle une valeur ajoutée ?

    L A : Le PIEC est porté par deux structures : la Maison des Sciences de l’Homme en Bretagne (MSHB) et l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Rennes (OSUR). Tous deux rassemblent des laboratoires aux thèmes bien différentes : sciences humaines et sociales pour la MSHB et sciences environnementales pour l’OSUR. Cette association est une originalité qui correspond bien au caractère fédératif et englobant du PIEC.

    V VT : Cette équipe travaille en collaboration avec les usagers qui ont une connaissance fine et pertinente du milieu. Les chercheurs prennent en compte leur regard, tout en l’élargissant. En faisant des liens avec leur connaissance et la pratique du milieu, nous co-construisons un regard plus complexe du phénomène. Dès lors, on s’aperçoit ainsi que la prise de décision est elle-même très complexe. Dès que l’on touche quelque chose, c’est l’ensemble du système qui peut changer. Et ces changements doivent être acceptables par tous…

    L A : Sur les aspects numériques, on essaie de lier « données, modèle, société ». Aujourd’hui, la révolution des données ouvre en effet tout un champ nouveau pour la modélisation. Et nous essayons d’utiliser cette force pour faire dialoguer l’expertise de modélisation et la société. Comment utiliser et transformer ces modèles pour tenir compte des attentes, des perceptions de la société ? Faire des liens qui ne coulent pas de source est la force du PIEC.

    Comment le PIEC crée-t-il une dynamique et une synergie au sein du territoire rennais ?

    VVT : Il y a une forte attente des collectivités territoriales et des agences de l’Etat qui se montrent très intéressées par notre travail.

    L A : Le PIEC entend mettre en place une démarche de transformation des pratiques politiques et de la prise de décision. Nous voulons construire des projets de recherche, avec le territoire et nos partenaires. La collecte de fonds est ainsi primordiale. C’est pour cela que nous les accompagnons dans leurs réponses à des appels d’offre nationaux et européens.

    (1) : Le PIEC associe les deux universités Rennes1 et Rennes2 ; 3 organismes CNRS, INRAE et INRIA et 6 écoles Agrocampus-Ouest, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Ecole Normale Supérieure de Rennes, Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Rennes, IEP de Rennes, INSA-Rennes.

    Lire l’interview sur le Prix des universités pour l’engagement étudiant
    Lire l’interview sur le Prix des universités de l’initiative franco-européenne au service des étudiants.

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