René Rémond exerçait une « présidence d’influence », qui laissait peu de place à la technocratie : les explications de Christine Musselin et d’Alain Abécassis (ép.3)
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René Rémond exerçait une « présidence d’influence », qui laissait peu de place à la technocratie : les explications de Christine Musselin et d’Alain Abécassis (ép.3)

France Universités : date de publication

    Photo : @ Université Paris Nanterre

    C’est à l’occasion de ses 50 ans que France Universités (CPU) réédite la « Règle et le consentement », avec le concours des Presses universitaires de Paris Nanterre et des Presses de Sciences Po, et le soutien de GMF. Cet ouvrage écrit par René Rémond, grand historien, qui fut président de l’Université de Nanterre de 1971 à 1976 et premier vice-président de France Universités (CPU à l’époque), n’avait jamais été réédité depuis sa publication, en 1979.

    Alain Abécassis * et Christine Musselin** se livrent dans cette interview croisée à une analyse éclairée de ce texte qui est à la fois un témoignage de l’expérience de René Rémond de sa présidence de l’Université de Nanterre, mais aussi une prise de recul par rapport aux spécificités de l’Université. Un livre que devrait lire tout nouveau président d’université pour avoir des clés pour mener son établissement dans la direction qu’il s’est définie.

    France Universités : Dans quelle mesure la fonction de président d’université a-t-elle évolué entre 1970 et aujourd’hui ?

    Alain Abécassis : Dans une forte mesure, c’est certain ! La fonction de président s’est beaucoup professionnalisée. René Rémond décrit dans son ouvrage une présidence d’influence, exercée de façon assez personnelle, autour d’une équipe restreinte et soudée. L’administration et la technocratie y occupent une place discrète.

    Il s’agissait à l’époque, encore très marquée par la culture des facultés dont on n’était pas sorti, d’assurer des équilibres de pouvoir entre des structures et des composantes qui avaient une assez forte autonomie.

    La présidence d’aujourd’hui bénéficie d’outils administratifs et techniques beaucoup plus forts pour permettre d’assurer la régulation des équilibres. Les leviers administratifs peuvent même avoir tendance à prendre le pas sur la magistrature d’influence et de persuasion que le président a vocation à exercer.

    Christine Musselin : La professionnalisation de la fonction est en effet montée en puissance depuis les années 70. J’ai été frappée par le fait que René Rémond ne parlait presque jamais de son Secrétaire général (appelé Directeur général des services -DGS- depuis la LRU), rouage essentiel aujourd’hui de la gouvernance. Si le livre était écrit maintenant, il y aurait forcément un chapitre sur cette relation.

    Le profil des présidents s’est aussi modifié : à l’époque, les présidents étaient plus âgés, avaient derrière eux une carrière scientifique bien établie. Et souvent, ils gardaient quelques heures de cours et poursuivaient leurs recherches. Depuis, de nouvelles problématiques ont émergé, comme la montée en puissance des régions, le développement de la formation continue, la gestion des risques ou les activités de valorisation.

    Être président aujourd’hui est une fonction à plein temps et multi-dimensions !

    Prochain épisode les enseignements à tirer de la lecture du livre pour tout nouveau président d’université.

    *Alain Abécassis, inspecteur général de l’éducation, du sport et de Recherche, et ancien Directeur général de France Universités, fut l’élève de René Rémond lorsqu’il étudiait sur les bancs de Science Po ; il le côtoie de nouveau entre 1991 et 1994 alors qu’il négocie le premier contrat de ce même établissement avec le Directeur Alain Lancelot et que René Rémond est président de la fondation nationale des sciences politiques.

    **Christine Musselin, sociologue, et directrice de recherche CNRS au Centre de sociologie des organisations de Sciences Po découvre le livre alors qu’elle effectue sa thèse sur la comparaison entre les universités françaises et allemandes. René Rémond sera d’ailleurs membre de son jury ! Elle le revoit lorsqu’elle devient directrice du centre de sociologie des organisations.

    « La Règle et le consentement », René Rémond, éd. France Universités, Presses universitaires de Paris Nanterre et Presses de la Fondation nationale des sciences politiques

    Disponible sur demande auprès de communication@franceuniversites.fr ; tirages limités

    Lire l’épisode 1 sur le témoignage légué par René Rémond de sa présidence de l’Université Paris Nanterre

    Lire l’épisode 2 sur le parallélisme entre l’organisation d’une université et celle de la Société

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