CPU 50 ans : la CPU comme objet de thèse : épisode 3
Etienne Bordes a soutenu sa thèse en histoire contemporaine en octobre dernier, à l’Université Toulouse 2 Jean-Jaurès. Passionné par l’histoire et les mutations des universités, il a consacré ces 5 dernières années à sa thèse « La Conférence des présidents d’université (1971-2007) : une socio histoire du gouvernement des universités ».
Dans ce troisième épisode, l’enseignant-chercheur met en lumière les différences de formes qui existent entre la CPU de 1971 et celle d’aujourd’hui, tant au niveau de son statut, que de son fonctionnement on encore de sa force de frappe politique.
L’évolution de la CPU va de pair avec celle de l’Université depuis 50 ans. La montée en puissance de l’autonomie des établissements donne aux présidents des prérogatives accrues. La CPU accompagne ainsi la montée en compétences des présidents et se constitue en équipe, capable de rassembler la voix de ses membres, et de porter un message unifié. En 50 ans, elle devient un acteur politique incontournable de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France.
CPU : Quelles sont les grandes différences entre la CPU d’aujourd’hui et celle de 1971 ?
Etienne Bordes : En 50 ans, la CPU a acquis une assise institutionnelle et humaine importante.
En 1971, elle est présidée par le Ministre de l’Education nationale. Il faut attendre 2007 pour qu’elle devienne autonome : le Bureau, constitué de trois président·e·s d’université, est alors seul à la tête de la CPU.
A ses débuts, la Conférence est abritée dans un petit bureau de l’Université Paris 5 : une secrétaire se charge d’envoyer les convocations et de prendre les billets de transport pour les présidents. Le fonctionnement de la CPU est alors tributaire du bon vouloir et de la motivation des présidents membres.
A partir de 1990, la Conférence se dote d’une équipe permanente conséquente, qui n’a cessé de s’étoffer au fil du temps. Cela permet à la Conférence de professionnaliser son action, de mieux préparer et défendre les questions relatives aux établissements.
La professionnalisation de la fonction de président, clé de la structuration de la CPU
Les problématiques qui se posent à la CPU des origines ont certes des aspects très contemporains : formation initiale, question étudiante, formation tout au long de la vie, internationalisation sont au cœur des débats des premières réunions. Mais la manière de les examiner s’est, elle, énormément transformée depuis 50 ans à mesure de la transformation de la fonction présidentielle.
Regardons de près la façon dont la CPU s’est adaptée à traves le temps aux besoins et aux profils de ses membres :
1971-1975 Le temps des présidents fondateurs
A cette époque, les présidents fondateurs de la CPU sont tous animés d’une volonté de réforme, dans le sillage de la loi Faure de 1968. L’autonomie est leur maître-mot, et ils se battent pour que celle-ci soit budgétaire et financière. La CPU est une caisse de résonnance pour eux, mais leurs succès restent modestes.
1976-1988 Le temps des présidents politiques
Ces années marquent une évolution du profil des présidents, plus jeunes, et plus politisés, à une époque où les tensions politiques sont très fortes avec le Ministère. Ces présidents conçoivent leur métier quasiment comme un prolongement de leur action syndicale. Avec des présidents aussi bien à gauche qu’à droite de l’échiquier politique, la CPU peine à porter une ligne commune, apte à rassembler tous les établissements.
1988-2007 : le temps des présidents de contrat
Avec la mise en place de la démarche contractuelle en 1988, la fonction de président se transforme. Il acquiert un rôle administratif et se doit d’avoir une connaissance exhaustive de l’établissement et une implication totale dans toutes les strates organisationnelles de son établissement. On peut parler d’une génération de présidents passionnés, qui portent des projets d’envergure pour leur université et entendent améliorer l’enseignement supérieur dans son ensemble. Les présidents deviennent plus professionnels et les relations avec le Ministère se renforcent.
Parallèlement, la CPU monte en puissance : une équipe permanente solide sous la houlette d’un nouveau délégué général se constitue Les méthodes, le rythme et l’intensité du travail de la CPU se transforment à grande vitesse : les colloques deviennent des laboratoires d’idées et des lieux de rencontres entre les membres de l’écosystème. En 1997 la CPU se dote d’un correspondant permanent à Bruxelles, et obtient des locaux confortables au 103 boulevard Saint Michel, à Paris. Elle devient une force de proposition collective.
Depuis 2007 : de nouveaux enjeux collectifs
La loi de 2007, dite loi Pécresse, acte la professionnalisation du métier de Président en permettant leur réélection. Elle donne aux présidents d’université la gestion autonome du budget, des ressources humaines et de l’immobilier. Elle reconnait par ailleurs l’autonomie de la CPU qui devient début 2008 une association loi 1901 reconnue d’utilité publique. La CPU se professionnalise encore davantage et devient un outil au service des présidents, bien sûr, mais aussi des universités dans leur ensemble. La Conférence renforce son offre de formations, elle entend développer une doctrine commune à tous les présidents, avec en ligne de mire l’accentuation de l’autonomie et une présence renforcée auprès des pouvoirs publics.
Force de proposition, la CPU devient un véritable acteur politique !
Mais d’un autre côté se pose pour elle les défis de sa cohésion et de son unité dans le cadre d’un espace universitaire aux logiques de plus en plus différenciées.
- Lire l’épisode 1 « Qu’est-ce qui vous a amené à prendre la CPU comme objet d’étude ? »
- Lire l’épisode 2 sur les spécificités d’une thèse en histoire contemporaine