Insertion professionnelle des docteurs : des chercheurs pour « dessiner les solutions du futur » des entreprises et des services
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Insertion professionnelle des docteurs : des chercheurs pour « dessiner les solutions du futur » des entreprises et des services

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    Développer la formation doctorale et renforcer l’attractivité et la reconnaissance du doctorat par la société est un enjeu essentiel pour les universités. Si 60 % des docteurs effectuent leur carrière dans le secteur privé, il apparaît encore nécessaire de promouvoir auprès des entreprises et des services, les compétences transférables acquises pendant la thèse, au-delà des acquis disciplinaires et des savoirs.
    C’est ce que nous explique François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise et président de la commission Formation et Insertion professionnelle de la CPU, dans l’entretien ci-dessous. Pour lui, si le doctorat est encore trop peu connecté au monde professionnel, les choses évoluent cependant dans le bon sens dans les universités.

    CPU : 60 % des docteurs effectuent aujourd’hui leur carrière dans le secteur privé, selon le rapport 2016 sur l’état de l’emploi scientifique en France, réalisé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Quelles sont les compétences humaines et professionnelles que peuvent leur apporter les docteurs ?

    François Germinet : Lorsqu’ils effectuent leur thèse, les doctorants développent des compétences qui se révèlent être en adéquation parfaite avec ce que recherchent les entreprises. Je m’explique : devant un sujet pointu, les doctorants font face à une question ouverte. Ils ont pris l’habitude de se confronter à la complexité d’un sujet pour y apporter des réponses dont on n’a, par nature, pas encore la solution. Et c’est justement à ce genre de problème auquel les entreprises doivent faire face dans leur quotidien.

    Autre élément précieux pour le secteur privé : le travail du doctorant est à la fois collectif et international :
    – Collectif car on ne fait jamais sa thèse seul dans son laboratoire de rattachement, mais toujours en échangeant avec des chercheur-e-s. En sciences expérimentales, par exemple, les doctorant-e-s sont intégré-e-s dans une équipe, aux côtés du chercheur qui a lancé le chantier, des jeunes chercheur-e-s qui travaillent au quotidien sur l’expérience, des techniciens, des ingénieurs…
    – Et international, car au cours de sa thèse, le jeune chercheur ne pourra se passer d’aller voir ce qui se fait à l’étranger sur le même sujet. On lui demandera, par exemple, de participer à des conférences internationales.
    Aujourd’hui, les entreprises ont plus que jamais besoin de gens qui savent s’ouvrir aux autres, écouter, analyser, dessiner les solutions du futur, et être capables de s’auto-évaluer en permanence.

    Or, il existe en France une méconnaissance du potentiel que peuvent apporter les candidats formés par la recherche car, on a tendance à considérer que leur savoir se réduit à la seule technicité de leur thèse. Aux Etats-Unis, en Asie, et même dans de nombreux pays d’Europe, on sait que le docteur est celui qui est capable de pousser sa capacité de réflexion et d’innovation le plus loin possible. Et dans beaucoup de pays, le fait de ne pas avoir fait de thèse peut-être même bloquant arrivé à un certain niveau de responsabilités.

    CPU : Les docteurs ont des difficultés à accéder à un emploi stable puisque 14 % d’entre eux sont au chômage parmi les diplômés depuis moins de 5 ans. Comment s’explique ce phénomène ?

    François Germinet : Oui, au départ, les docteurs rencontrent des difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi, notamment pour accéder à un contrat stable. L’explication principale réside dans cette méconnaissance des compétences des docteurs dont je parlais plus haut.
    On pourrait aussi adresser une critique à la formation elle-même car en France le doctorat est encore trop peu connecté au monde professionnel. Alors que 60 % des docteurs effectueront leur carrière professionnelle dans le secteur privé, les directeurs de thèse ne réfléchissent pas assez à l’adéquation docteurs/entreprises.
    Mais les choses évoluent petit à petit. Certains dispositifs innovants, tels le doctorat Cifre (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche), ont fait leurs preuves : depuis trente ans, ce dispositif, financé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, contribue à accroître l’emploi scientifique en entreprise en subventionnant toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au cœur d’une collaboration de recherche avec un laboratoire public. Leur insertion professionnelle est extrêmement bonne : un an après leur soutenance, 96 % des docteurs ont un emploi et 60% avec un CDI.

    CPU : Quels sont les moyens mis à disposition des universités pour remédier à cette difficulté ?

    François Germinet : Aujourd’hui, dans les universités, nous œuvrons à mettre en place des dispositifs qui permettent aux docteurs de mieux mettre en avant leurs compétences auprès des entreprises. J’en retiendrai deux :
    L’annuaire national fédéré et l’attribution d’une adresse mail à vie pour les titulaires d’un doctorat. Cet annuaire simplifiera la tâche du docteur, en lui proposant la réplication des informations dans de multiples applications. Il s’agit de favoriser les mécanismes d’appartenance à une communauté, et de combler le déficit de notoriété en France. Cet outil devrait être opérationnel en septembre prochain.
    La plateforme numérique Docpro mise en place en 2015 par l’Association Bernard Gregory, le Medef et la CPU, qui permet aux docteurs de valoriser leurs compétences professionnelles et personnelles auprès des entreprises.

    Par ailleurs, les universités doivent continuer à accompagner le processus de formation des docteurs, à l’image des « doctoriales», qui se déroulent dans de nombreux établissements et qui permettent la rencontre entre de jeunes chercheurs doctorants ou futurs doctorants avec le monde de l’entreprise.

    Au niveau national, nous sommes en train d’améliorer la fiche du Répertoire national des certifications professionnelles relative au doctorat et travaillons sur la première édition d’une enquête nationale sur l’insertion professionnelle des docteurs.

    Et à l’université de Cergy-Pontoise en particulier, nous œuvrons à la transcription des diplômes de doctorat en compétences afin de rapprocher les formations doctorales des entreprises car nous avons à cœur de créer un pont entre les compétences réelles des docteurs et les besoins des entreprises.

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