Après-Charlie : les universités engagées
Après les terribles attentats qui ont touché la France, le 7 janvier dernier, la communauté universitaire s’engage pleinement dans la défense et la promotion des valeurs de la République. A travers l’organisation d’un colloque par la CPU en mai prochain, les multiples actions des universités, la diffusion du guide sur la laïcité, et les actions au sein des prisons, la mobilisation est totale.
Éclairer les évènements avec un regard scientifique
Au mois de mai prochain, la Conférence des présidents d’université organisera à l’Assemblée nationale un colloque destiné à donner une vision scientifique, réaliste et éclairée de la situation dans laquelle se trouve notre pays aujourd’hui.
Ce colloque permettra de donner aux événements un point de vue universitaire en présentant des travaux de recherche issus de différentes disciplines : histoire, sociologie, philosophie, science politique, iconographie, droit, psychologie, ethnologie et religions…
Cet éclairage académique montrera, sans tomber dans la polémique, la manière dont les travaux de recherche sont indispensables à la compréhension du monde contemporain et à la construction politique de la société française et de son identité. Ces ressources insuffisamment exploitées, notamment par les médias, sont pourtant publiques, mais méconnues.
La CPU souhaite à cette occasion montrer à un public large le recul dans l’analyse qu’apportent les travaux universitaires pour comprendre l’actualité.
La faible présence d’universitaires dans le débat public est en effet une singularité française et ne contribue pas à développer la confiance entre science et société.
Le programme du colloque est en cours de construction et montre le foisonnement des domaines dans lesquels les universités construisent la connaissance.
Parmi les sujets ou travaux de recherche, on peut citer :
– Comment l’événement a été ressenti en France, son impact sur la société ;
– Le traitement médiatique, impact du traitement de l’information en continu ;
– Communication : la place de l’injure dans la société ;
– Iconographie : images véhiculées, le sens politique des images ;
– Immigration : guerre des mémoires et identité du souvenir ;
– Les phénomènes de conversion dans l’antiquité ;
– Histoire des guerres de religion en Europe au XVIe et au XVIIe siècle.
Une mobilisation au sein même des établissements
Outre ce colloque à visée nationale, la CPU recense et valorise les actions conduites dans les universités, qui peuvent être reproduites dans d’autres établissements :
– organisation de débats sur la liberté d’expression ;
– recueil et constitution des textes publiés dans les semaines qui ont suivi les attentats sous forme de corpus pouvant servir à des débats ou enseignements sur la liberté d’expression ;
– mobilisation d’enseignants volontaires pour intervenir sur ces sujets, lancement d’actions coordonnées avec les recteurs dans les lycées et collèges ;
– réflexion et débats sur la notion d’ordre public, constitutive de l’adhésion à un certain nombre de valeurs ;
– mobilisation de jeunes en service civique pour intervenir ;
– réflexion sur la reproduction sociale constatée et le rôle de l’université, où se situe à présent le niveau minimal de formation visé ;
– réflexion sur la formation des enseignants du secondaire et les outils dont ils disposent pour agir dans des circonstances exceptionnelles ;
– rôle primordial des universités dans l’éducation en prison et l’accès des détenus à une formation diplômante.
La CPU est convaincue que nous devons positionner l’institution universitaire comme élément-clé de transformation du corps social, au cœur des valeurs de la République, pas comme seul élément de ressource. Ce rôle doit être joué vis-à-vis de la communauté des étudiants, enseignants, mais aussi sur les territoires où sont implantées les universités : cela relève de leur responsabilité sociétale.
Un guide pour promouvoir la laïcité
Les règles de laïcité à l’université sont claires : les membres du corps enseignants ne peuvent pas arborer de signes religieux ; en revanche les étudiant(e)s sont libres, étant majeurs, à condition de ne pas se livrer au prosélytisme, et que ces signes religieux n’empêchent pas la bonne tenue des cours.
La CPU a mis au point en 2004 un guide « laïcité et enseignement supérieur » (https://franceuniversites.fr/wp-content/uploads/2004/09/Laicité.pdf), après avoir tenu un colloque sur la laïcité à l’université, alors que ces questions animaient la communauté du second degré. Ce guide apporte aux présidents et équipes de direction des réponses pratiques pour se prémunir de toute atteinte au principe de laïcité : adoption d’une charte d’établissement, désignation d’un référent ou médiateur, contractualisation entre l’université et toute association hébergée ou organisant un événement sur le site de l’université, afin de se prémunir d’éventuelles dérives.
Les enquêtes menées depuis 2004 ont montré que les éventuelles situations problématiques ont toutes été réglées dans le calme, au niveau local grâce aux outils du guide, régulièrement réédité.
L’Université est interrogée sur les enseignements à la laïcité qu’elle peut effectuer : certaines universités s’engagent dans la mise en place de formations pour les imams et personnels religieux comme à l’Université de Lyon 3, ou de Toulouse 1.
La question de la formation à la laïcité pour les futurs enseignants est posée dans le cadre du référentiel qui doit être mis en œuvre dans les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), qui mobilise présidents d’université et directeurs d’ESPE.
Une action dans les prisons
La CPU souhaite développer les actions d’enseignement en milieu carcéral. Certaines universités sont en avance sur ce sujet pour des raisons historiques, comme à l’université Paris Diderot.
La CPU souhaite que soit lancé un appel à projet Idefi-N sur ce thème afin de favoriser de nouveaux projets qui peuvent bénéficier, au-delà des détenus, à d’autres publics empêchés.
Par ailleurs la CPU va signer un accord cadre avec le Génépi (groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées) qui mobilise chaque année 1200 personnes pour recréer un lien entre les personnes incarcérées et la société. Cet accord pourrait permettre d’ouvrir de nouvelles antennes du Génépi dans les universités, souvent dans les composantes juridiques, afin de proposer aux étudiants cette forme d’engagement citoyen très formatrice.
Les étudiants mobilisés
L’engagement étudiant est un domaine dans lequel les universités vont s’investir. Tout d’abord parce qu’il favorise la socialisation, l’épanouissement, l’acquisition de valeurs citoyennes et est le meilleur rempart contre tous types de radicalisation.
Les universités ont des moyens de promouvoir l’engagement : organisation de forums, attribution de locaux aux associations, attribution de soutiens financiers, d’aide au montage de projets…
Certaines formes d’engagement, qui luttent contre les discriminations, ont une résonance particulière, dans le cadre de l’après Charlie.
La CPU est signataire depuis 2004 d’un accord-cadre avec l’AFEV (association de la fondation étudiante pour la Ville). Les 5000 bénévoles de l’AFEV effectuent du soutien scolaire à des jeunes de primaire ou collège principalement, afin que la fin de la journée scolaire ne signifie pas, pour eux, la fin des apprentissages, lorsqu’ils rentrent dans des familles pour lesquelles la réussite scolaire n’est pas une priorité (voire même pas souhaitable).
Les bénévoles de l’AFEV sont en ce sens des liens forts de l’université sur son territoire, et l’un des instruments de la responsabilité qu’elles ont vis-à-vis de publics.
Le service civique : un dispositif à développer
Par le développement du service civique, nous souhaitons placer l’université comme acteur clé pour la promotion et la reconnaissance du service civique. Les universités ont vocation à promouvoir le service civique, à accueillir des jeunes en service civique, à reconnaître les apports pédagogiques des jeunes qui ont effectué ce service. L’ambition du président de la République de passer de 35000 à 180000 jeunes en service civique interroge forcément les universités.
L’Université au service de l’excellence de la formation
Enfin notre responsabilité collective est de renforcer la place de l’Université comme pourvoyeur du niveau de formation souhaitable pour la jeunesse : la licence pour tous. La remise du rapport de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (StraNEs) sera la base de nos actions pour permettre à un nombre croissant de jeunes d’avoir accès à l’université, dans des conditions matérielles et pédagogiques dignes de notre pays.
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