Classements des universités : quel impact sur les stratégies d’établissement ?
Première étude paneuropéenne mesurant l’influence des classements internationaux et nationaux dans les prises de décision et les actions institutionnelles des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Le rapport RISP (Rankings in Institutional Stratégies and Process), « La place des classements dans les stratégies et processus institutionnels », a été présenté en français dans les locaux de la CPU, le 21 janvier dernier.
L’EUA (Association Européenne de l’Université) a déjà publié deux rapports sur les classements internationaux en 2011 et 2013. Il restait à les compléter par une étude de terrain en Europe. C’est maintenant chose faite avec la parution de l’étude : « La place des classements dans les stratégies et processus institutionnels : impact ou illusion ? ». Le projet est coordonné par l’Association Européenne de l’Université (EUA), en partenariat avec l’Institut de Technologie de Dublin (DIT), la CPU et le Centre d’Information académique (AIC) de Lettonie.
Plusieurs intervenants ont pris part à la présentation de l’étude : Jean-Pierre Finance, délégué permanent de la CPU à Bruxelles et membre du comité de pilotage de RISP, Jean-Marc Rapp, Professeur à l’université de Lausanne et président du comité de pilotage, Ghislaine Filliatreau, directrice de l’Observatoire des Sciences et des Techniques, Andrée Sursock et Tia Loukkola (chef de projet de RISP) de l’EUA.
Un impact des classements non négligeable
Depuis 2003, on note une accélération des classements mondiaux des universités s’appuyant sur des facteurs de réputation, des indicateurs bibliométriques et des citations. Parmi les plus connus d’entre eux, on peut citer le classement de Shanghaï, celui d’Espagne (Webométrics) ou encore celui du Times (World University Ranking).
Propulsés par le besoin de mieux comprendre l’université et séduits par leur simplicité de lecture, les classements mondiaux bousculent le monde de l’enseignement supérieur et de recherche. De nombreux publics y sont sensibles : les autorités de tutelle et les gouvernements, les futurs étudiants et en particulier les étudiants internationaux, les futurs chercheurs, les établissements partenaires ou qui pourraient le devenir, le ministère de tutelle, le personnel enseignant, les parents, les mécènes et sponsors, les employeurs…
Mais derrière la facilité apparente d’interprétation se cachent un manque de données objectives (notamment sur les performances des formations) ainsi que des choix arbitraires dans les méthodes de calcul.
Et c’est surtout l’impossibilité de représenter objectivement sur une échelle unique un système universitaire complexe et très diversifié qui rend les classements internationaux contestables.
Même si les classements font l’objet de critiques, l’étude fait apparaitre que les établissements s’en servent néanmoins pour combler une lacune en information, à des fins de benchmarking, pour appuyer la prise de décision institutionnelle ou encore pour conduire leurs activités de marketing.
Les classements sont aussi utilisés pour mener des actions stratégiques, organisationnelles, managériales ou académiques. « Il faut mettre les classements sous surveillance, être proactif et sévère avec eux », a préconisé Ghislaine Filliatreau, directrice de l’Observatoire des Sciences et des Techniques lors de la présentation de l’étude. Elle a insisté tout particulièrement sur la nécessité de disposer de données objectives et fiables à l’échelle d’un établissement comme à celle d’un Etat
L’objectif de RISP est de s’interroger sur la manière dont les classements influencent le développement des stratégies et processus institutionnels. Il s’agit d’apporter « une compréhension approfondie de l’influence des classements, et de l’utilisation qui en est faite par les établissements pour leurs stratégies, leurs méthodes, leur développement institutionnel », a indiqué Jean-Marc Rapp, président de l’EUA de 2009 à 2012.
Les objectifs de l’étude :
Co-financé par le Programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie de la Commission européenne, le projet RISP visait quatre objectifs principaux :
– Mieux comprendre l’impact et l’influence des classements sur les universités européennes et sur les prises de décisions institutionnelles stratégiques ;
– identifier la manière dont les établissements peuvent utiliser les classements en tant qu’outil stratégique pour promouvoir leur développement institutionnel ;
– fournir aux décideurs du monde de l’enseignement supérieur une contribution sur les effets potentiels des classements sur les systèmes universitaires ;
– améliorer la coopération européenne et le partage des bonnes pratiques dans ce domaine.
L’étude s’est déroulée en trois étapes :
– Une enquête en ligne, adressée aux universités européennes. 171 établissements ont répondu présents issus de 39 pays différents ;
– Une série de visites de site dans six pays : l’Autriche, la France, le Danemark, le Portugal, la Roumanie et le Royaume-Uni ;
– Une table ronde en juin 2014 réunissant des responsables d’universités et des parties intéressées afin de valider les résultats.
Les trois recommandations de l’étude
Partant du constat que les comparaisons transnationales sont inévitables et s’intensifieront à l’avenir, le rapport préconise de :
– Donner au public l’accès aux données institutionnelles comparatives et éventuellement mettre en place une base de données internationale et commune ;
– Amener les établissements d’enseignement supérieur à appréhender les limites des classements et ne pas se laisser détourner de leur mission première ;
– Insister sur l’importance que chaque université dispose d’une mission et d’un plan stratégique cohérents.
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