« Accepter dans la licence de leur choix tous les bacheliers, c’est envoyer les plus fragiles au casse-pipe »

« Accepter dans la licence de leur choix tous les bacheliers, c’est envoyer les plus fragiles au casse-pipe »

France Universités : date de publication

    À quelques jours de la clôture de la concertation sur le contrat de réussite étudiant, François Germinet assure que tous les bacheliers qui en formulent le vœu ont leur place dans l’enseignement supérieur. Comme sur le portail APB, il leur répond « oui… mais » dans une filière correspondant à leur parcours dans le secondaire et à leur projet professionnel.

    Parmi l’ensemble des problèmes abordés lors de la concertation, lequel vous semble le plus préoccupant ?

    Le tirage au sort a mis le feu aux poudres. À raison. C’est une aberration. Mais plus encore qu’un sérieux problème, c’est le symptôme d’un système d’enseignement supérieur complice d’un échec massif parce qu’il refuse d’admettre que certains étudiants sont plus en difficulté que d’autres. Accepter dans la licence de leur choix tous les bacheliers, c’est envoyer les plus fragiles d’entre eux au casse-pipe. La concertation doit permettre de sortir de cette hypocrisie.

    Comment l’université peut-elle réguler le flux des candidatures lycéennes ?

    L’université ne doit pas faillir à sa mission d’accueillir tous les bacheliers qui le désirent mais… ils doivent intégrer une filière cohérente avec leur parcours d’études dans le secondaire, leur projet professionnel et la hiérarchie de leurs vœux dans APB. Si vous choisissez une licence de droit par hasard, vous allez vite être dépassé par vos lacunes dans les filières générales, votre manque d’appétence pour la discipline ou encore votre absence de méthodes de travail. De même, si vous demandez, sur APB, dix BTS, et que vous obtenez, finalement, votre onzième vœu, à savoir une licence générale (la tristement fameuse pastille verte), votre démotivation sera difficile à surmonter. C’est à cela qu’il faut répondre.

    Quels sont les critères les plus pertinents pour rendre cohérent le choix de poursuite d’études ?

    Il faut tenir compte de prérequis tels que la série du bac, l’avis du conseil de classe, peut-être les notes dans certaines matières. Selon les filières universitaires, les critères ne peuvent pas être les mêmes. La procédure d’orientation active pourrait être aussi plus prépondérante en devenant prescriptive. En outre, il est essentiel, à l’ère de la formation par le numérique, de dissocier le rythme des études de la réussite. Arrêtons de penser qu’une licence doit s’obtenir en trois ans. Une licence nécessite l’obtention de 180 crédits qui peuvent être obtenus à son rythme en deux, trois ou quatre ans, avec une offre de cours dans les locaux de l’université et/ou en ligne.

    Comme le tirage au sort, la mise en place de prérequis ne risque-t-elle pas d’entraîner une sélection et donc de l’inéquité ?

    La sélection ne fait peur à personne. La crainte des parents, ce n’est pas la sélection, sinon comment justement expliquer l’engouement pour les CPGE, DUT et BTS ? La crainte des parents, c’est de voir leur enfant refusé partout. Or nous voulons mieux orienter les futurs bacheliers et non en éliminer certains. Si les résultats sont corrects ou bons en maths, mais très faibles en biologie, le risque d’échec en STAPS est élevé. Une remise à niveau en sciences pourrait être une solution, tout comme une réorientation vers une filière moins scientifique, une licence management du sport, par exemple. D’autres parcours sont envisageables : une licence professionnelle en trois ans – pour ceux qui ont été refusés en BTS – ou une entrée dans la vie active avec un accompagnement à la formation tout au long de la vie.

    Comment pallier le manque de places dans les filières très demandées, telles que STAPS, médecine et droit ?

    Proposer des parcours cohérents va déjà réduire la masse d’étudiants. Le tirage au sort départageait, pour un même vœu dans une même université, tous les lycéens quel que soit leur bac d’origine. Si les places venaient encore à manquer, ce dont je ne suis pas certain, il faudrait alors affiner les prérequis. Il est scandaleux de laisser le hasard décider entre l’avenir d’un bon élève de S, assidu en classe, qui veut à tout prix faire médecine, et celui d’un bachelier S, ayant des notes moyennes et peu travailleur, qui hésite entre un DUT informatique, une licence de mathématiques et la PACES.

    Faut-il transformer ou supprimer le portail APB ?

    Nous avons absolument besoin d’une plate-forme nationale de gestion des vœux d’inscription dans l’enseignement supérieur. Il est impensable d’imaginer les familles déposant des dossiers dans tous les établissements et certaines bénéficier de passe-droits. Il faut trouver comment articuler, dans APB, les différents prérequis pour accorder une primauté à la cohérence du parcours. Et les futurs bacheliers devraient être prioritaires. Ceux qui ont obtenu le bac depuis plus longtemps ont le droit à une réorientation mais leur situation devrait être prise en considération dans un autre APB.

    François Germinet
    Président de la Commission de la formation et de l’insertion professionnelle
    Président de l’université de Cergy-Pontoise

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