Profession : conservatrice de musée… à l’Université !
Depuis près de trente ans, le musée de l’histoire de la médecine de l’université Paris Descartes est associé à un nom : celui de Marie-Véronique Clin, nommée conservatrice en 1989. Gardienne du patrimoine français, les universités détiennent en effet en leur sein certains métiers insoupçonnés. Après avoir œuvré à donner au musée sa splendeur, Marie-Véronique Clin prend soin, au quotidien, de cet écrin situé au deuxième étage du siège de l’université Paris Descartes, dans une ancienne bibliothèque. Le musée abrite la plus ancienne collection d’Europe d’instruments de chirurgie, du Moyen-Age à la fin du XIXe siècle. C’est un véritable voyage au cœur de l’art opératoire qui est proposé aux visiteurs leur permettant ainsi de mesurer « la force de l’homme pour aller de l’avant dans une lutte incessante pour accéder à une vie meilleure ».
Tous les après-midis (le jeudi et le dimanche exceptés), les visiteurs peuvent admirer dans une magnifique salle en bois aux couleurs chatoyantes, des instruments de chirurgie uniques, tels que le bistouri qui opéra Louis XIV de sa fistule, la trousse chirurgicale qui servit à faire l’autopsie de Napoléon Ier à Sainte-Hélène ou encore le fameux stéthoscope de Laennec. Autant d’instruments, témoins des extraordinaires progrès de la médecine sur lesquels Marie-Véronique Clin veille quotidiennement, pour le plus grand bonheur des mille visiteurs mensuels du musée. « Nous avons tous les types de public : des familles, des étudiants en médecine, beaucoup d’étrangers… », note-t-elle. Ce « musée de France » est géré par l’université Paris Descartes. En parallèle de la collection permanente, des expositions temporaires y sont régulièrement organisées.
Un métier-passion
Diplômée de l’école du Louvre, Marie-Véronique Clin soutient sa thèse de doctorat sur les sources de l’histoire de Jeanne d’Arc en 1984. Aux côtés de Régine Pernoud, historienne médiévale de renom, elle est conservatrice du musée de Jeanne d’Arc à Orléans et directrice du centre Jeanne d’Arc jusqu’en 1986. « J’ai toujours voulu être conservatrice de musée. Lorsque je suis arrivée à Paris, pour raisons familiales, on m’a proposé ce poste au musée d’histoire de la médecine. J’ai tout de suite accepté d’autant que j’avais déjà eu l’occasion de visiter le musée alors que j’organisais, à Orléans, une exposition sur la médecine médiévale. Et puis l’histoire de la médecine avait du sens pour moi car mon père, médecin, archéologue et historien était fasciné par ces sujets et m’avait transmis sa passion. »
Un travail de longue haleine
Un travail de réhabilitation considérable l’attend puisqu’à l’époque, les œuvres et les instruments ne sont absolument pas mis en valeur. Marie-Véronique Clin s’attèle à dépoussiérer tout cela. « Je me souviens, par exemple, que certaines gravures précieuses du XVIIIe siècle étaient grossièrement collées sur du papier Canson ». Une pratique très éloignée des règles de l’art…
« J’ai commencé, dans un premier temps, à faire l’inventaire des œuvres afin de définir à quoi chacune servait. Il y avait un très beau fonds, et nous avons par la suite réussi à acquérir d’autres belles pièces, grâce à l’association des amis du musée ». Cette dernière a aujourd’hui disparu: une disparition d’autant plus regrettable que le musée manque de moyens, et ne fonctionne qu’avec deux permanents.
Un musée unique en Europe
Lorsque l’on entre dans le musée pour la première fois, on est saisi par la beauté de cette ancienne bibliothèque qui met en valeur ces outils opératoires d’un autre temps, qui, il faut l’avouer, peuvent s’apparenter d’avantage à des objets de torture qu’à des instruments de soin. L’histoire de la médecine et de la chirurgie y est présentée suivant un parcours chronologique et thématique. On y découvre les instruments utilisés dans des disciplines aussi variées que la gynécologie, l’urologie, l’otologie (science de l’oreille), la laryngologie, la rhinologie. On y apprend comment se sont déroulées les premières anesthésies de l’époque moderne et les opérations de la cataracte au XVIIIe siècle. « L’objectif est de montrer aux visiteurs les étapes par lesquelles l’Homme a dû passer pour arriver à se soigner. Avec courage, il n’a jamais baissé les bras. »
« Ce musée, c’est ma vie »
« Quand les gens visitent le musée, ils ont toujours un coup de cœur. C’est ma satisfaction ultime », indique Marie-Véronique Clin. Il faut dire qu’elle est souvent prête à tout pour acquérir de nouvelles pièces. Avec malice, elle se souvient du jour où un vieux monsieur l’avait appelée pour léguer à son musée un magnifique bourdalou (1). « Je me suis rendue chez lui pour récupérer la pièce, accompagnée d’un chauffeur. Au moment de me donner le bourdalou, le monsieur a perdu l’équilibre devant moi. J’avais devant mes yeux deux possibilités : le bourdalou en miettes ou cet homme abimé ». Elle choisit… le bourdalou. Et le chauffeur de s’occuper de l’homme afin de lui éviter une chute préjudiciable. « Ce musée, c’est ma vie », déclare-t-elle. On la croit sur parole !
(1) : Urinal de forme ovale avec anse
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