Vers une vision plus claire des universités européennes
La CPU a produit en octobre 2018 une note sur l’appel à propositions lancé par la direction générale pour l’Education et la Culture de la commission européenne (DG EAC) de la Commission européenne pour le projet pilote de la création d’universités européennes. Le 18 décembre dernier, la DG EAC organisait une réunion au cours de laquelle une vision plus claire de ces futurs établissements a été donnée. Retour sur les échanges.
D’ores et déjà, plus de 120 projets pourraient être déposés, dont plus de 25 impliquant des établissements français d’enseignement supérieur. Notons la participation en présentiel de plus d’une dizaine d’universités françaises à cet événement (1).
Le Commissaire Navracsics a rappelé l’implication des Etats membres pour construire plus avant un Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, renforcer « une excellence qui ne se confond pas avec l’élitisme » et relever de grands défis sociétaux, comme le changement climatique, l’Intelligence artificielle, la sécurité, etc. Il revient aux universités, acteurs de l’innovation, de contribuer à ces enjeux.
Les objectifs des universités européennes
Mme Vanessa Debiais-Sainton, responsable de l’unité « enseignement supérieur » de la DG EAC, a souligné que l’initiative des universités européennes constituait un saut qualitatif et un vecteur décisif pour faire progresser « l’Espace européen de l’éducation » à l’horizon 2025. L’objectif est de créer au moins 20 d’universités européennes d’ici 2024 – voire plus si le budget le permet.
• Il s’agit de rapprocher les Européens et d’améliorer la qualité et la compétitivité de l’enseignement supérieur européen : mise en place des curricula, pédagogies innovantes, diplômes et stratégies à long terme intégrés, innovants, inclusifs, intégrant la mobilité et une perspective de long terme. Les liens avec la recherche et l’innovation ne sont pas obligatoires mais sont encouragés afin d’aller vers des « campus européens inter-universitaires ». A ce titre, des partenariats impliquant chercheurs et étudiants dès le niveau de la licence pourraient être envisagés ;
• Ces universités européennes permettront de « construire » les citoyens européens de demain et d’accroitre la compétitivité internationale de l’espace européen via une vision partagée, intégrative sur le moyen long terme ;
• Ces universités doivent être « inclusives », ne doivent pas hésiter à travailler avec les entreprises, les régions et les organismes de recherche ;
• Ces universités contribueront à construire l’université du futur, à même de préparer à des emplois différents d’aujourd’hui. Par ailleurs en concertation avec les Etats-membres, la Commission européenne travaille sur la possibilité d’avoir un « diplôme européen ».
Les critères de l’appel à propositions
• L’appel pilote paru le 24 octobre dernier, doté de 30 millions d’euros afin de co-financer six projets d’alliances à hauteur de 5 millions pendant trois ans, propose une démarche « bottom up » et une approche graduelle. Consciente qu’un montant de 5 millions d’euros par Alliance reste insuffisant, la Commission européenne encourage les établissements à rechercher des financements complémentaires au niveau régional, national et européen. L’appel vise à faire émerger une diversité de modèles (sans en imposer a priori aucun), à en poser les fondations et à les tester. Il comporte cinq critères de sélection portant sur :
• la pertinence de la proposition : ambition qui va au-delà de ce qui existe, spécificité, niveau de coopération entre établissements partenaires… (25 points au maximum sur 100) ;
• l’équilibre géographique : diversité, stratégie qui sous-tend le choix des partenaires, vision à long terme. La mise en place de consortia doit favoriser autant que possible une diversité géographique au sein de l’UE ;
• la qualité de la conception et de la mise en œuvre : activités prévues, réalisme des objectifs, indicateurs de mesure du succès…
• la qualité de la coopération entre les partenaires ? rôle de chacun, procédures, modalités d’écoute et d’association des étudiants et enseignants… (20 points maximum) ;*
• la durabilité et la diffusion : soutenabilité, contribution à « l’Espace européen de l’éducation »… (20 points maximum).
Les candidats doivent définir leur vision et leurs objectifs (ce qui fait que le projet est unique), choisir les bons partenaires et préciser les liens qui les unissent. La gouvernance sera un point important.
La date limite de dépôt des projets est fixée au 28 février 2019 (à midi, heure de Bruxelles). Ils seront examinés pendant cinq mois. Ces projets bénéficieront d’un cofinancement pendant 3 ans. Les candidats seront informés en juillet. Les six projets retenus débuteront entre le 1er septembre et le 1er décembre 2019. Un second appel pilote sera lancé en octobre 2019.
Evaluation et suivi
M. François Willekens, chef de l’unité « Erasmus+ : enseignement supérieur » à l’Agence exécutive éducation, audiovisuel, culture a rappelé que les dossiers de candidatures devaient être renseignés en ligne sur le site de l’Agence (2) et pouvaient être modifiés, complétés et actualisés jusqu’à la date limite du 28 février 2019.
• Budget : il est confirmé qu’aucun plafond ne s’applique aux coûts éligibles relatifs aux personnels, soutiens individuels et voyages. En revanche, les frais d’équipement sont limités à 5% des coûts éligibles et les coûts indirects à 7%.
• Evaluation : elle sera effectuée par un comité composé de représentants de la DG EAC et de l’Agence exécutive qui sera assisté par des experts indépendants. Dans un premier temps, chaque projet sera examiné séparément par trois experts qui devront ensuite se mettre d’accord par consensus sur une évaluation et une note. Dans un second temps, tous les experts proposeront un classement. Dans un troisième et dernier temps, le comité d’évaluation examinera tous les dossiers et les évaluations des experts, les classera et fera des recommandations sur les projets à financer. C’est sur cette base que la décision finale sera prise. Elle s’effectuera exclusivement à l’aune des cinq critères de l’appel (qui ne comprennent pas la réputation de l’établissement) et du dossier présenté. Enfin, les experts évaluateurs devront faire état d’éventuels conflits d’intérêt à toutes les étapes du processus. Le cas échéant, ils pourraient être exclus de la procédure ;
• Le financement sera alloué sur la base d’un accord de tous les bénéficiaires donnant mandat à l’établissement qui coordonnera l’Alliance. Les membres associés ne seront ni signataires, ni financés et ils devront expliquer leur contribution au projet. Il doit y avoir un lien clair avec les partenaires affiliés qui doivent avoir une charte Erasmus et doivent répondre aux mêmes critères ;
• Les coûts éligibles seront remboursés à hauteur maximale de 80% – ce qui impliquera que chaque Alliance devra trouver les 20% restants.
• La procédure du suivi et du contrôle restera assez légère : seuls seront demandés un rapport intermédiaire au bout de 18 mois et un rapport final. En revanche, les six Alliances sélectionnées seront suivies par la DG EAC pour identifier les aspects positifs et les difficultés rencontrées.
Echanges avec la salle
Un certain nombre de précisions ont été apportées au cours de la réunion :
• Quels sont les Etablissements éligibles ? Ces derniers doivent bénéficier d’une charte Erasmus+ et faire partie des pays du programme – ce qui exclut donc la Suisse. S’agissant du Royaume-Uni, il est actuellement éligible, mais, à ce stade, personne ne sait ce qu’il en sera à compter du 29 mars prochain ; si un accord est trouvé, il resterait éligible au moins jusqu’au terme de l’actuel programme Erasmus+, soit fin 2020 ;
• Peut-on faire des candidatures multiples ? Une même université peut participer à plusieurs projets, même si cela n’est pas forcément réaliste au regard de l’implication requise ;
• Quelle échelle pour le projet ? un établissement à part entière ou une seule faculté peuvent candidater, mais, dans ce dernier cas, l’établissement devra être associé à un moment donné ;
• Quelle place donner à la mobilité : elle est importante, mais ne constitue pas le seul objectif, car la qualité de l’enseignement et de la recherche priment. La Commission a conscience que l’objectif de 50% de mobilité étudiante est très élevé et appelle à recourir à des formes de mobilités virtuelles ou mixtes. Il est aussi recommandé d’utiliser les outils existants et les mobilités E+. Par ailleurs, il pourrait être envisageable d’utiliser le dispositif de carte étudiante européenne – qui vise à connecter les systèmes d’information des universités, actuellement en phase de test ;
• La question des droits d’inscription : l’objectif n’est pas d’harmoniser ces droits par le biais des Alliances. Pour autant, les mêmes règles qui régissent aujourd’hui la mobilité dans le cadre d’Erasmus+ seront d’application : les étudiants ne doivent pas payer de frais lors de leur mobilité ;
• Diplôme commun : ce sujet est à discuter et à tester pour le cas de diplômes reconnus par les établissements membres de l’Alliance, par les pays dans lesquels ils sont implantés, à l’échelle de l’UE et des pays non UE participant au programme. Les questions relevant de l’harmonisation des semestres sont sur l’agenda des Ministres et de la Commission européenne ;
• Rôle des étudiants dans les alliances : les alliances seront aussi évaluées de la manière dont elles associent les étudiants et leur mobilité ;
• Candidatures au second appel pilote de l’automne 2019 : des projets qui n’auraient pas été retenus lors du premier appel pourront être présentés à nouveau. Les candidats recevront les résultats (sélectionnés ou non) avec une version consolidée.
(1) : les universités de Paris Saclay, d’Aix-Marseille, la Rochelle, Lille, Perpignan, Bretagne occidentale, Sorbonne-université, Paris 1 – Panthéon- Sorbonne, Paris Descartes, Paris Seine, ainsi que Sciences Po Paris, l’ESCP…
(2) : Contact : EACA-EUROPEAN UNIVERSITIES@EC.EUROPA.EU