Sciences humaines et sociales : Jean-François Balaudé prend la tête de l’alliance Athéna
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Sciences humaines et sociales : Jean-François Balaudé prend la tête de l’alliance Athéna

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    Elu par les membres du conseil d’administration de la CPU, le 6 octobre dernier, Jean-François Balaudé, président de l’université Paris Nanterre, prend ses fonctions pour deux ans à la présidence d’Athéna ce jeudi 20 octobre. Créée en juin 2010, l’alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (Athéna), regroupe les acteurs clés de la recherche française en sciences humaines et sociales dont la CPU. Ses missions : renforcer les dynamiques du système de recherche SHS et bâtir une réflexion prospective de long terme. Jean-François Balaudé revient, à travers cet entretien, sur l’élan qu’il entend donner à l’alliance et sur la place des SHS dans les problématiques sociétales actuelles.

    CPU : Quelle impulsion entendez-vous donner à l’alliance Athéna pour les deux années à venir ?

    Jean-François Balaudé : Après avoir été assurée par Jean-Emile Gombert au titre de la CPU, puis par Alain Fuchs, président du CNRS, la présidence d’Athéna revient à nouveau pour deux ans à la CPU.
    Cette alternance intervient à un moment important. Il convient d’abord de consolider ce qui a été installé avec volonté, et cela malgré des moyens relativement modestes. Le Comité d’orientation, les Groupes prospectifs de réflexion internes à l’Alliance et inter-alliances, les Groupes d’activité multi-opérateurs, l’Observatoire des SHS se sont mis en place. Ils ont commencé à produire et permis des acquis incontestables, en matière de programmation, de prospective, de cartographie, de coordination. Certains considéraient au départ, avec un relatif scepticisme, la perspective d’une Alliance SHS. Et ce qui a été réalisé durant les quatre dernières années, avec l’implication sans faille de la déléguée générale, Françoise Thibault, constitue un beau démenti.
    Mais ce travail doit être conforté, et la position de l’Alliance renforcée. A ce stade de sa jeune histoire, il me semble indispensable qu’elle reçoive des soutiens supplémentaires lui permettant de développer ses activités, en même temps qu’elle doit pour sa part parvenir à mieux impliquer les universités, à l’égal du CNRS.
    Le plan SHS présenté par Thierry Mandon au mois de juillet, a listé un certain nombre de mesures visant à renforcer les SHS, dont certaines renvoient directement à l’Alliance Athéna elle-même (comme la plateforme FUNDIT ou l’Observatoire des SHS). Il est à souhaiter que le complément du plan SHS, annoncé pour le mois de novembre, donne un tour encore plus concret à cette volonté appréciable de soutenir les SHS, et de permettre à l’Alliance de tenir son rôle de structure d’échange et de partage dans ce domaine. Ce sera en particulier la responsabilité du nouveau président de soutenir et encourager la poursuite de l’analyse des besoins des SHS, et l’élaboration des réponses correspondantes, en croisant les points de vue des universités et du CNRS, et en tenant compte de la diversité des situations. Nous avons impérativement besoin de cette vision globale et nuancée touchant les enjeux de structuration et d’internationalisation, d’infrastructures et d’IST, pour permettre, in fine, aux acteurs des SHS de mieux déployer leur stratégie de recherche.

    Comment les SHS peuvent-elles être mobilisées pour répondre aux défis sociétaux ?

    Elles y répondent déjà, mais souvent hors appels d’offre, et d’une façon qui ne leur donne pas nécessairement la visibilité et la légitimité qu’elles peuvent à juste titre revendiquer. Significativement, dans un certain nombre d’équipes SHS, l’on n’est pas encore préparé à intégrer la réponse à des appels à projet. Mais en même temps, les esprits évoluent : il est à noter que déjà les travaux menés sur l’ensemble du territoire par nombre d’équipes prennent en charge bien des aspects de ces défis sociétaux, à partir d’approches SHS, ou, de plus en plus fréquemment, même si cela reste encore timide, à travers des approches croisant sciences et sciences sociales.
    Il est en tout cas déterminant, pour pouvoir les mobiliser sur des projets ambitieux et structurants, que les appels à projets nationaux, européens, internationaux marquent que les SHS ont leur place comme telle. De fait, dans l’esprit de beaucoup, les SHS devraient surtout venir en appoint de projets principalement constitués autour d’un noyau scientifique. C’est un vrai danger pour les SHS. On observe au plan national les difficultés pour les équipes SHS qui s’y hasardent à obtenir que les dossiers présentés dans les défis de l’Agence nationale de la recherche (ANR) autres que le défi 8 « Sociétés innovantes, intégrantes et adaptatives », soient reconnus. A cet égard, les inter-défis (autour du numérique et de la santé publique) peuvent constituer des avancées : il faudra en faire le bilan à la fin de l’année.

    Pensez-vous que la philosophie ait une place particulière au sein des SHS ? Peut-elle avoir un rôle fédérateur entre les humanités et les sciences sociales ?

    Par son histoire, qui commence au V ème siècle avant J.-C., par sa vocation, affichée alors, et pour plusieurs siècles, de savoir englobant, d’unique vraie science, la philosophie se situe nécessairement dans une position particulière ! Elle a aussi vécu un temps la relégation au rang de servante de la théologie, et elle a enfin vécu l’éclatement des savoirs, qu’elle a pu analyser, auquel elle a pu résister, et qu’elle a tout aussi bien accompagné.
    Elle est de fait à la charnière entre les humanités et les sciences sociales, par son histoire et la diversité de ses formes contemporaines, et elle reste spécialement apte à traverser les savoirs et les disciplines, jusque dans les domaines des sciences exactes et expérimentales, pour penser leurs liaisons, et même pour s’y installer. Les philosophies contemporaines les plus originales ont cette vertu, de se déporter, ou se décentrer, se renouvelant ainsi dans cette démarche. Sans oublier les philosophes « transfuges », qui ont pu rejoindre la psychologie, la linguistique, l’anthropologie, de la sociologie, etc.
    Cela dit, cette forme d’esprit ouvert, transfrontalier est très présente dans l’ensemble des SHS, et l’on pourrait tout aussi bien aligner des exemples nombreux de littéraires, géographes, historiens, linguistes, sociologues, anthropologues, etc qui illustrent formidablement cette capacité à se nourrir et s’enrichir en sortant de leur champ.

    En SHS, les deux tiers des unités de recherche ne sont pas associées à un organisme de recherche et sont donc exclusivement universitaires. Cela donne-t-il à Athéna une position particulière au sein de la CPU par rapport aux autres alliances ?

    Oui, à l’évidence. Les SHS constituent un contingent considérable du secteur scientifique en France : rien moins que le tiers de l’ensemble des enseignants-chercheurs. Les chercheurs SHS représentent de leur côté plus de 20% des effectifs de chercheurs CNRS. Et en effet, comme vous le soulignez, les deux tiers des laboratoires de recherche ne sont pas des unités mixtes de recherche (UMR). Cela montre à la fois l’importance du secteur SHS en France, et la part déterminante que jouent les laboratoires universitaires à côté des UMR. L’idée directrice est donc bien de produire cette mobilisation des universités autour de l’Alliance Athéna, dans la meilleure intelligence avec le CNRS, afin de faire avancer l’ensemble de nos forces de recherche en SHS. Il y va de l’avenir même des SHS.

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