[Résultat d’étude] Tourisme de croisières et la Covid-19 : coup d’arrêt et adaptations d’un secteur dynamique

France Universités : date de publication

    La crise de la Covid-19 a impacté comme jamais le secteur du tourisme de croisière. Comment ce secteur s’est-il adapté à la crise ? Par Carine Fournier, Maître de conférences en géographie à l’Université de Bretagne occidentale dans l’Equipe Interdisciplinaire de Recherches sur le Tourisme.

    Alors que le nombre de croisiéristes n’avait cessé de croître depuis cinquante ans et que, selon les prévisions de la CLIA, 2020 s’annonçait comme un nouveau record avec 32 millions de passagers attendus, l’irruption et la diffusion de la Covid-19 à l’échelle mondiale aura mis un coup d’arrêt complet au tourisme de croisières. Aucune crise économique, aucune difficulté liée à l’activité (même le naufrage du Costa Concordia) n’avait jamais pu atteindre cette activité qui, chaque année, présentait des résultats supérieurs aux années précédentes. Son image positive auprès des touristes, sa grande adaptabilité aux besoins des croisiéristes et à l’actualité géopolitique mondiale permettaient d’expliquer son succès. Il aura donc fallu une pandémie pour que le tourisme de croisières connaisse non seulement une baisse du nombre de passagers transportés d’une année sur l’autre mais, pire encore, pour qu’il subisse une interruption totale de plusieurs mois. Coup d’arrêt relativement brutal puisqu’en l’espace de quelques semaines, l’association Medcruise a dénombré pas moins de 49 compagnies ayant cessé leurs activités.

    L’activité des ports d’embarquement et/ou d’escale s’en est immédiatement trouvée bouleversée. Finies les escales avec visite de la ville-port ou excursions dans l’arrière-pays, la principale question concernait la possibilité pour les paquebots d’accoster afin de permettre le rapatriement des croisiéristes ou bien l’assistance en cas de Covid déclarés à bord. Le port de Marseille qui devait obtenir pas moins de 166 départs de croisières entre le 1er janvier et le 31 juillet et être escale de 274 croisières sur la même période, annonce avoir déjà perdu 560 000 passagers en date du 29 mai et près de 100 millions d’euros. En lieu et place d’escales de quelques heures, les quais de la cité phocéenne accueillent de façon permanente depuis de nombreuses semaines parmi les plus prestigieux paquebots : 3 de la Compagnie du Ponant, 1 de MSC, 2 de la Norwegian Cruises Lines, 3 de Silversea, 1 de AIDA Cruises et 1 de Carnival. Ainsi, à la date du 20 juin, l’ensemble de la flotte de paquebots qui parcourt habituellement les océans du globe est soit amarré à quai, soit a jeté l’ancre à proximité. Dans le port de Marseille, tous les paquebots à quai ne peuvent pas être raccordés électriquement, un seul fonctionne au GNL, les autres font tourner leurs groupes électrogènes au fioul car restent à bord les équipages en charge de la sécurité et ceux nécessaires à une reprise rapide des croisières.

    Cependant, le feu vert tarde à venir car l’épisode du Diamond Princess survenu en février dernier aura montré que la propagation du virus sur un bateau de croisière est très rapide (plus de 700 cas dépistés). Il convient aussi de ne pas oublier que, même si ces dernières années un rajeunissement des croisiéristes est apparu, un pourcentage important de la clientèle demeure constitué de personnes âgées qui sont d’autant plus susceptibles d’être sensibles à la Covid-19 et peut-être peu enclins à retourner sur un paquebot. Afin de ne rien laisser au hasard et de donner confiance aux touristes quant à la sûreté des croisières proposées, la compagnie du Ponant a, par exemple, travaillé en collaboration avec des experts reconnus pour mettre en place son protocole.

    En plus de cette nécessaire sécurité sanitaire, les compagnies possédant des bateaux de taille plus réduite (qui présentent l’avantage de pouvoir être accueillis dans un nombre plus important de ports), ont repensé en pleine crise leurs brochures habituellement éditées avec un an d’avance. Elles espèrent séduire des touristes devenus rétifs à l’idée de  se déplacer vers des territoires trop éloignés en cas de nouvelle flambée de l’épidémie. Ainsi, la compagnie du Ponant a-t-elle déjà revu ses itinéraires pour l’été et propose un thème « la France est belle vue de la mer » avec des croisières de 7 jours au départ de Nice, Marseille, Bordeaux, Saint-Malo et Le Havre. Depuis Marseille, un circuit « découverte du patrimoine naturel et culturel du littoral méditerranéen », à bord de l’Austral, en collaboration avec le MUCEM, offre  des escales variées : l’île verte, les îles d’Hyères, la Corniche des Maures, la presqu’île de Saint-Tropez et Portofino.

    Les compagnies aux  fun ships de plus grandes tailles disposent de moins de souplesse dans le choix des ports escales et aucune n’envisage de reprise de l’activité complète avant la fin août, parfois même pas avant le milieu de l’automne. Sur le plan économique, cette crise sanitaire aura eu des conséquences importantes, puisque la compagnie Carnival, le leader mondial, a récemment annoncé la perte de 4,4 milliards de dollars et la décision de se défaire de 6 de ses paquebots. Des effets à  court et moyen termes sur la géographie des croisières sont donc à attendre.

     

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