La recherche française dans la compétition internationale : l’éclairage de Khaled Bouabdallah
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La recherche française dans la compétition internationale : l’éclairage de Khaled Bouabdallah

France Universités : date de publication

    A l’occasion de l’Université d’été du Medef, le 31 août, Khaled Bouabdallah, président de l’université de Lyon et vice-président de la CPU est intervenu lors de la table ronde « prix Nobel et médailles Fields… la science à la française ». Il revient pour le site de la CPU sur les forces et les faiblesses de la recherche française dans un monde globalisé et hautement compétitif et donne ses pistes de réflexion pour atteindre l’excellence.

    Dans quelle mesure les prix scientifiques servent-ils la recherche fondamentale ?

    Chaque année, des prix scientifiques prestigieux récompensent des personnalités éminentes et de grands chercheurs comme, par exemple, le Prix Nobel, la Médaille Fields, le Prix Crafoord. Tous les domaines de la recherche sont couverts : littérature, chimie, physiologie, médecine, physique, mathématiques, géologie, biologie, informatique, philosophie, géographie…

    Ces distinctions, qui ont un impact bien réel, créent :

    – Une reconnaissance scientifique par leurs pairs qui génère un capital symbolique, une crédibilité, une légitimité et des moyens financiers ;
    – Un écho médiatique important : un prix Nobel conserve son prestige à travers le temps et donne à sa discipline une renommée française.
    – Un pouvoir d’influence : on pense, par exemple, aux interventions de Cédric Villani sur les plateaux médiatiques ou lors des conférences pour poser la question de la place de la mathématique dans la société.

    On peut se réjouir de voir que, chaque année, la France se distingue par les prix prestigieux qu’elle obtient. Je retiendrais Jules Hoffman, prix Nobel de médecine 2011 (université de Strasbourg), Serge Laroche, prix Nobel de Physique en 2009, Albert Fert, prix Nobel de Physique en 2007 (Université Paris 11), Cédric Vilani, médaille Fields 2010 (université Lyon 1), Arthur Avila (médaille Fields 2014 (université Paris Diderot)…

    Quelle est la place de la France dans la compétition scientifique mondiale ?

    Oh, nous n’avons pas à rougir ! La performance scientifique de la recherche française est plus qu’honorable, notamment lorsqu’on regarde le nombre de publications scientifiques publiées chaque année par la France.

    Dans plusieurs domaines, en mathématique, physique, chimie biologie, économie entre autres, la recherche fondamentale française est d’une très grande qualité au niveau international, comme de récentes distinctions l’ont montré :

    – La France arrive en sixième position dans les classements bibliométriques. Elle est devancée par les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon.
    – Elle arrive en quatrième position du classement des pays ayant obtenu le plus de grands prix scientifiques (Nobel, Fields, Crafoord, etc.). Les mathématiciens français décrochent la deuxième place dans leur discipline. Un décompte plus vaste tenant compte du prix Abel (mathématiques), du prix Vetlesen (géosciences) et des principaux prix internationaux multidisciplinaires (Crafoord, Wolf, Shaw et Kyoto), place encore la France à la quatrième place, derrière le même trio de tête (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne).
    – Elle se place au quatrième rang pour l’attractivité de son enseignement supérieur.

    Par ailleurs, ces dix dernières années, avec huit lauréats, la France est le leader mondial en mathématiques. Et c’est un énorme atout pour notre pays car les applications des mathématiques n’ont jamais autant bouleversé le monde que ces dernières années : réseaux informatiques, big data, systèmes embarqués, web… les mathématiques sont partout ! En 2006, on a créé le prix Carl Friedrich Gauss pour récompenser les contributions remarquables débouchant sur des applications significatives en dehors du champ des mathématiques.

    La France est ainsi devenue une terre d’accueil privilégiée pour les mathématiciens du monde entier. Plusieurs médaillés français possèdent la double nationalité : franco-russe pour Maxime Kontsevitch (2006), franco-vietnamienne pour Ngô Bao Chaû (2010) et franco-brésilienne pour Artur Avila (2014).

    Pourtant, il y a un sujet où le bât blesse, celui de l’investissement public. La France n’a pas augmenté de façon significative son investissement public dans la recherche, en dépit des réformes qui se sont succédé ces dix dernières années. Il est aujourd’hui d’environ 2,3 %. Nous sommes loin de l’engagement de 3 % pris au niveau européen… et loin des 2,9% de l’Allemagne, des 4,4% de la Corée du Sud et des 3,5% du Japon !

    Pourquoi, selon vous, y a-t-il aussi peu d’universités françaises dans le classement de Shanghai ?

    En 2016, trois universités françaises figurent dans les 100 meilleures universités mondiales, selon le classement de Shanghai.
    Mais très souvent, il s’agit de modèles d’universités qui ne sont pas comparables. Les universités américaines, qui figurent dans le top, sont anciennes, riches et souvent privées et disposent de grandes marges de manœuvre. De plus, les budgets annuels ne sont en rien comparables ! Les budgets de Standford et Harvard sont de l’ordre d’environ 3,5 milliards d’euros, soit près de dix fois celui d’une grande université française comme l’Université Pierre et Marie Curie (environ 450 millions d’euros), et leurs dotations en capital sont d’environ 28 et 19 milliards d’euros respectivement. Quant au taux d’admission d’étudiants, il est de 5 %.
    Par ailleurs, les universités françaises ont parfois la particularité d’être spécialisées contrairement aux facultés américaines qui sont, elles, pluridisciplinaires. Ainsi, Paris IV n’a, contrairement à Harvard, aucune chance d’obtenir un prix Nobel dans une discipline scientifique.

    Comment retenir nos chercheurs et comment accueillir davantage de chercheurs étrangers ?

    En France, les salaires ne sont pas toujours attractifs pour les chercheurs. Un jeune chercheur embauché dans un organisme de recherche ou dans une université – souvent après deux ou trois ans de post-doctorat et environ dix ans après le bac – commence au plus bas de l’échelle, avec un salaire de moins de 2000 euros !
    Partir ou rester à l’étranger après son stage post-doctoral devient un sujet.

    Les solutions ne sont pas simples dans un contexte budgétaire très contraint et hausse du nombre des départs en retraite (et donc du renouvellement du vivier).

    Une idée serait d’utiliser le crédit Impôt recherche qui s’élève aujourd’hui à 6 milliards d’euros…

    Quant à l’accueil des chercheurs étrangers, pour accroître l’attractivité, un certain nombre de mesures de simplification sont aujourd’hui portées par Campus France et la CPU auprès des ministères. Je pense notamment aux boursiers étrangers et aux chercheurs étrangers invités.

    Photo : Khaled Bouabdallah lors de son intervention à la table ronde, à l’université d’été du MEDEF, le 31 août 2016

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