[Éclairage] Patrimoine agricole et alimentaire, le nouveau tourisme des territoires

France Universités : date de publication

    Comment valoriser des ressources agricoles et alimentaires pour un tourisme territorial ? Par Jacinthe Bessiere, Maître de conférences en sociologie,

    Dans l’équipe ISTHIA, de l’Université de Toulouse Jean Jaurès s’interroge sur la valorisation des ressources agricoles et alimentaires pour un tourisme territorial.

    L’expérience alimentaire associée au tourisme semble être le lieu de multiples aspirations et représentations, notamment en espace rural, donnant lieu à de nouvelles pratiques, offres et filières situées souvent en marge d’un développement touristique plus institutionnalisé.

    La crise sanitaire actuelle met ou mettra probablement en lumière ces formes de consommations définies jusque-là comme alternatives ou marginales, en réactivant et en renforçant leur légitimé dans les territoires ruraux ou de montagne dits «fragiles».

    La valorisation des ressources agricoles et alimentaires pourrait bien participer de la mise en place de nouvelles formes d’offres touristiques sur les territoires ruraux et agricoles en quête d’attractivité. L’agritourisme, défini comme l’ensemble des activités touristiques pratiquées sur une exploitation agricole (Agreste,2013) est alors un moyen de diversification aux bénéfices multiples.

    Les ressources agricoles et alimentaires se retrouvent au cœur de l’expérience touristique, donnant à voir de nouvelles formes de proximité entre populations agricoles et non-agricoles. Cette ouverture touristique des exploitations agricoles semble aller indéniablement de pair avec un engouement pour les patrimoines alimentaires locaux.

    L’intérêt pour les cultures alimentaires, qu’elles aient statut de gastronomies ou de «cuisines», s’inscrit dans la nostalgie plus ou moins compensatoire qui accompagne la modernisation des modes de vie dans le contexte anxiogène de la mondialisation(Poulain, 2002).

    Les patrimoines alimentaires sont perçus par le touriste, comme autant de marqueurs identitaires que de codes culturels permettant l’accès à un territoire ou à une région visitée. Lieu de lecture et de compréhension de l’Autre et de l’ailleurs, ces patrimoines alimentaires valorisés et promus sur l’exploitation agricole révèlent un lien inextricable entre le «touriste-mangeur» et la contrée visitée, en offrant, au-delà des qualités organoleptiques de l’aliment (odeurs, saveurs, ou qualités nutritionnelles), une valeur symbolique sur la signification et le sens du lieu (Bessière, Poulain,et al, 2013). Ainsi, si l’exploitation agricole est définie comme un lieu de découverte touristique et alimentaire centré sur la rencontre de deux populations mises en contact, elle est également le lieu d’expression de descripteurs identitaires et culturels plus largement associés aux espaces ruraux.

    L’ouverture touristique des exploitations agricoles et la valorisation des patrimoines alimentaires qui en découle, serait alors pour les touristes une voie d’accès sur le monde agricole.La transition touristique à l’œuvre,interroge alors les bénéfices sociaux de l’agritourisme à travers la valorisation de produits agricoles et alimentaires.

    En d’autres termes et dans une perspective interactionniste qui vise à comprendre la société à travers les interactions des individus (Goffman, 1973), nous pouvons questionner l’agritourisme comme une production d’interactions sociales entre populations agricole et non-agricole, entre 2 mondes souvent cloisonnés, introduisant de nouvelles formes de proximités et d’échanges. Quelles images,quelles représentations sociales et culturelles émergent de ce processus d’interaction entre agriculteurs et touristes ? Quelles formes de sociabilités sont renforcées ou apparaissent à travers la découverte de patrimoines alimentaires sur l’exploitation agricole ? dans quelle mesure l’agritourisme, dans les pratiques et les représentations qu’il véhicule, favorise-t-il échange, compréhension, apprentissage et transmission ou au contraire renforce-t-il les formes de distinction ou de différenciation entre agriculteurs et touristes ?

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