[Éclairage] Pandémie de la Covid-19 et tourisme : nous ne reviendrons pas au Business as usual
Suite à la crise de la Covid-19 le tourisme devra accélérer sa transformation vers un tourisme durable et raisonnable. Par Nathalie Fabry, Maître de Conférences, DICEN-IDF, Université Gustave Eiffel et Sylvain Zeghni, Maître de Conférences, LVMT, Université Gustave Eiffel
La propagation de la Covid-19, a attiré l’attention sur la nature mondialisée du tourisme et sur la manière dont le secteur peut être affecté par la propagation du virus, probablement de manière irréversible.
La croissance du tourisme international a été l’un des moteurs les plus constants et les plus importants de l’économie mondiale depuis les années 1950. De seulement 25 millions d’arrivées de touristes internationaux en 1950, les chiffres ont atteint 450 millions en 1990, puis ont rapidement explosé pour dépasser le milliard d’arrivées en 2013. Cette croissance rapide a été alimentée par divers facteurs au fil des ans, plus particulièrement l’essor des nouvelles technologies, les nouvelles tendances en matière de style de vie associées à la prospérité mondiale croissante et l’avènement des compagnies aériennes à bas prix, qui ont rendu les voyages internationaux abordables pour les masses. L’explosion du tourisme au cours des 30 dernières années peut également être attribuée à l’émergence des classes moyennes dans les nouveaux pays riches et très peuplés du monde tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et la Russie.
Ce modèle de croissance mondiale en volume du tourisme qui a prévalu jusqu’à maintenant est fortement remis en cause par la pandémie de la Covid-19 comme le montre la Figure 1.
Tant d’un point de vue sanitaire que pour sa contribution au changement climatique, le tourisme de masse et de longs courriers doit être questionné (Fabry et al. 2017). Le tourisme joue en effet un rôle important dans les échanges biotiques. La crise actuelle doit être une opportunité pour construire un nouveau modèle pour l’industrie du tourisme mondiale et remettre en cause la logique simplement quantitative (Gössling et al., 2020).
Figure 1 –Arrivées de touristes internationaux dans le monde (% de variation)
Source : Organisation Mondiale du Tourisme
La recherche sur la résilience dans le tourisme (Fabry et al., 2019) a mis en évidence la nécessité de prendre en compte l’impératif de zéro carbone en combinaison avec les modèles de destination visant à réduire les fuites, et de mieux capturer et distribuer les revenus du tourisme (Hall, 2009 ; Gössling et al., 2016). Repenser le tourisme rentre en contradiction avec les attentes de retour à la normale des entreprises mais aussi des décideurs publics.
Le retour au statu quo serait suicidaire pour le système touristique mondial. Il faut envisager un modèle de développement touristique moins basé sur le tourisme international[1] et davantage conforme aux ODD. Cela pose un ensemble de questions :
- La pandémie favorisera-t-elle le nationalisme et le resserrement des frontières, même à long terme ?
- Quel sera le rôle du tourisme interne[2] dans la reprise et la transformation à long terme en destinations plus résilientes ?
- Quelles seront les réponses comportementales à la demande des touristes à court et à long terme, y compris les voyages d’affaires et l’adoption généralisée de la vidéoconférence ?
- Quelles seront les conséquences des politiques de relance sur l’austérité et la prise en compte du changement climatique ?
- Dans quelle mesure ODD seront-ils prioritaires dans l’établissement d’un nouveau modèle ?
Le défi consiste maintenant à tirer collectivement les leçons de cette tragédie mondiale afin d’accélérer la transformation du tourisme vers un tourisme durable et raisonnable probablement moins internationalisé.
[1] Le tourisme international mesure l’activité générée par le tourisme récepteur (accueil des résidents étrangers) et le tourisme émetteur (tourisme des résidents d’un pays en dehors de leur pays).
[2] Le tourisme interne mesure l’activité touristique générée par le tourisme des résidents d’un pays donné dans leur propre pays.
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