Regards croisés - Emeric Bréhier et Gilles Roussel : du lycée à l’Enseignement supérieur
Le rapport de la mission parlementaire sur les liens entre le lycée et l’enseignement supérieur a été présenté par le député Emeric Bréhier, le 8 juillet dernier. Il propose trente-trois pistes pour renforcer les liens entre le lycée et l’enseignement supérieur. Afin de mettre en œuvre ces préconisations, plusieurs auditions ont été réalisées, dont celle de Gilles Roussel, président de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et président de la commission de la formation et de l’insertion professionnelle à la CPU. Emeric Bréhier et Gilles Roussel reviennent sur les recommandations de ce rapport et nous donnent leur vision pour diversifier l’offre et favoriser la réussite. Regard croisé.
CPU : Selon vous, une refonte de la plateforme Admission post-bac (APB) est-elle nécessaire ? Quelle forme pourrait-elle prendre ?
Emeric Bréhier : APB est un dispositif qui fonctionne globalement bien, mais il est inachevé. La plateforme a été mise en place pour simplifier les démarches de pré-inscription des élèves de Terminale dans l’enseignement supérieur en regroupant sur un seul site l’ensemble des formations post-baccalauréat.
Or, bon nombre de formations sont absentes de la plateforme. Je pense notamment aux formations sanitaires et sociales et à beaucoup de formations privées.
Gilles Roussel : Oui, APB fonctionne globalement bien, mais le dispositif dans sa forme actuelle a atteint ses limites. Depuis le début de sa création, la CPU demande que toutes les formations proposées dans l’enseignement supérieur soient visibles et accessibles sur APB. Cela aiderait à optimiser les vœux des futurs étudiants.
E B : Par ailleurs, on constate une disparité dans les renseignements disponibles pour chaque formation. Pour certaines d’entre-elles, on trouve toutes les indications nécessaires sur les débouchés professionnels alors que pour d’autres, aucunes. L’enjeu est aujourd’hui de faire en sorte que l’ensemble des formations post-bac soient accessibles sur le système APB et qu’elles soient toutes renseignées de manière homogène.
G R : Dans les dysfonctionnements, j’ajouterais aussi la procédure inacceptable du tirage au sort sur APB, pour les formations où les demandes sont trop fortes au regard de leurs capacités d’accueil, comme les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS).
CPU : Quels sont les moyens à mettre en place pour améliorer l’orientation des lycéens dans l’enseignement supérieur et favoriser la réussite en licence ?
E B : La problématique de l’orientation doit être gérée en amont d’APB. Nous préconisons, dans le rapport, l’expérimentation de conseils d’orientation liant les établissements d’enseignement supérieur d’un territoire donné avec les lycées de ce même territoire (proposition 12). L’objectif : repérer les demandes d’étudiants en décalage avec leur parcours pour mieux gérer le flux dans un certain nombre de filières et éviter l’échec de beaucoup d’étudiants.
G R : Et pour moi, cette proposition va dans le bon sens.
E B : Une autre proposition intéressante – la proposition n° 33 – serait de permettre aux enseignants du supérieur d’aller faire cours dans le secondaire, via des mises à disposition. Le contraire serait bien évidemment possible aussi. Ce serait le moyen pour l’Université d’être toujours en phase avec l’évolution des méthodes pédagogiques du lycée et ainsi de s’adapter à son nouveau public.
G R : C’est une excellente chose de renforcer le développement des échanges de service entre le secondaire et l’enseignement supérieur. Des initiatives allant dans ce sens existent d’ailleurs déjà. Mais les mises à disposition en tant que telles posent un certain nombre de difficultés, notamment d’ordre administratif.
E B : Nous proposons aussi dans le rapport d’assigner aux universités une mission de réorientation des publics en échec (proposition 24). Il s’agit de faire en sorte que le premier semestre de la première année rende possible une réorientation en cours d’année de l’étudiant si cela s’avère nécessaire. Il faudrait, en fait, mettre à disposition des étudiants, dès le début de leurs études, un système d’accompagnement personnalisé. Ce dispositif existe déjà, notamment à l’université de Saint-Etienne et à l’université de Lyon III, mais il serait souhaitable qu’il se développe dans d’autres universités.
G R : Sur le principe, c’est une bonne idée, mais encore faut-il en avoir les moyens. Il s’agit d’un travail personnalisé qui entraîne inévitablement un coût qui peut être important.
CPU : Quels rôles les enseignants du 2nd degré et du supérieur peuvent-ils jouer dans le renforcement du lien entre le lycée et l’enseignement supérieur. Comment renforcer la coopération de ces deux acteurs clés ?
E B : Ce sont deux mondes qui se méconnaissent trop encore aujourd’hui. En plus des mises à disposition d’enseignants que j’évoquais précédemment, nous préconisons dans le rapport, la systématisation des formations des enseignants–chercheurs dans les Espe.
G R : On peut réfléchir, en effet, à un lieu d’échange entre les enseignants des universités et ceux du secondaire, au sein des Espe ou ailleurs. Il y a déjà des plates-formes qui existent mais qui ne sont pas généralisées.
E B : Par ailleurs, il faudrait valoriser dans la carrière des enseignants des universités l’investissement consacré à l’animation pédagogique, l’administration, le suivi personnalisé des étudiants car n’oublions pas qu’ils délaissent souvent leur recherche fondamentale pendant qu’ils consacrent du temps à ces formations.
G R : On pourrait aussi réfléchir à une généralisation des accueils au sein des universités, notamment en fin d’année universitaire, au moment où les lycées sont généralement réquisitionnés pour les épreuves du bac. Un bon moyen pour créer du lien et pour permettre aux bacheliers d’appréhender leur nouvel environnement.
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