Penser et agir pour l’Enseignement supérieur dans les nouvelles régions : le regard de Marie-France Barthet et de Gérard Blanchard
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Penser et agir pour l’Enseignement supérieur dans les nouvelles régions : le regard de Marie-France Barthet et de Gérard Blanchard

France Universités : date de publication

    Marie-France Barthet, présidente de l’université de Toulouse, présidente de commission de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation à la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et Gérard Blanchard, ancien président de l’université de la Rochelle, vice-président de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes en charge de l’Enseignement supérieur et de la recherche ont tous deux la particularité de bien connaître l’université et d’exercer des fonctions spécialisées au sein des exécutifs locaux.
    Si leurs missions sont bien distinctes, elles possèdent pourtant un objectif commun : penser et mettre en place le système d’Enseignement supérieur et de Recherche sur un territoire donné. Un défi accentué par la création des nouvelles grandes régions françaises qui implique de repenser le modèle universitaire territorial. Pour le site de la CPU, ces deux dirigeants nous livrent une vision éclairée et complémentaire de leurs missions souvent méconnues du grand public mais essentielles.

    CPU : Quelles sont les différences structurelles entre une vice-présidence de région et une présidence de commission ?

    Gérard Blanchard : Le vice-président fait partie de l’exécutif. Il reçoit une délégation du président de région pour définir et mettre en place une politique. La commission, elle, est l’émanation directe des élus. Un dialogue s’instaure naturellement entre celui qui porte la politique en matière d’enseignement et de recherche et la commission dont le rôle est de débattre des propositions.

    Marie-France Barthet : C’est tout à fait ça. En fait, la commission dite sectorielle, qui comprend l’ensemble des membres élus à la proportionnelle, donne un premier avis et c’est la commission permanente, composée du président de région et de l’ensemble des vice-présidents qui entérine les propositions. La commission que je préside comprend l’Enseignement supérieur et la Recherche, mais aussi l’innovation, ce qui n’est pas forcément le cas dans toutes les régions.

    GB : En effet. Personnellement, mes champs d’action sont l’Enseignement supérieur et la Recherche. Mais, même si le terme « innovation » n’est pas indiqué en tant que tel dans l’intitulé de ma mission, mon rôle est de travailler dans ce sens, en étroite collaboration avec le vice-président en charge du développement économique.

    Dans quelle mesure sont-ils amenés à travailler ensemble ?

    MFB : Travailler ensemble est une nécessité. L’assemblée et l’exécutif doivent être à l’unisson sur les grands dossiers pour mener une politique cohérente et adopter des axes communs. Les vice-présidents ont un rôle de représentation sur le territoire. Mais ma région étant très grande, avec treize départements, ce rôle est de facto réparti entre le vice-président et le président de commission. C’est la condition si l’on veut être présent sur tous les enjeux stratégiques de notre périmètre géographique.

    GB : En effet. Notre région est, elle aussi, très vaste, avec ses douze départements et une hétérogénéité démographique forte. J’ai sous ma responsabilité directe, douze établissements universitaires : six universités, quatre écoles, deux regroupements universitaires. Nous allons travailler main dans la main avec la commission et définir ensemble les stratégies à mener.

    Quelles sont les raisons qui vous ont poussés à vous présenter aux élections régionales?

    MFB : J’ai été sollicitée en tant que personne issue de la société civile pour apporter mon expertise. Et pour avoir beaucoup travaillé avec la région, en tant que présidente d’université, j’ai eu envie de voir l’autre côté du miroir. C’est une mission que je vais découvrir car je n’ai jamais exercé de mandat politique.

    GB : Tout comme Marie-France, je suis issu de la société civile. En dehors des élections professionnelles (président d’université et président de ComUE), je n’ai jamais eu de mandat d’élu local. Au cours de mes deux mandats à l’université de la Rochelle, j’ai pris soin de mener une politique ouverte sur l’extérieur. J’ai, bien sûr, beaucoup travaillé avec les collectivités locales. Et j’ai pensé que mener une action politique en faveur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pouvait être la continuation logique du travail que je faisais à l’université.

    Quels étaient les grands axes de votre programme de campagne ?

    MFB : Nous avons bâti notre campagne sur deux axes majeurs :
    – Le développement économique car, avec la constitution de la nouvelle méga-région, le taux de chômage a malheureusement rejoint celui de la moyenne nationale.
    – L’équité territoriale et sociale : nous avons deux métropoles, Montpellier et Toulouse et vingt sites de proximité qui sont de véritables atouts pour la région : avec un taux de réussite des étudiants plus fort que dans les métropoles, ils sont des vecteurs d’ascension sociale efficaces. Par ailleurs, l’ancrage de la formation et de la recherche sur différents territoires crée une dynamique économique et contribue au rayonnement régional. La région a donc tout intérêt à utiliser ce levier de développement.

    GB : Le développement économique était aussi au cœur de notre programme, avec en ligne de mire la création d’entreprises et d’emplois. Nous avons mis l’accent sur l’innovation car c’est un levier de développement efficient et un facteur d’amélioration de la compétitivité de nos entreprises.

    Dans le même esprit, nous avons insisté sur le développement des liens entre le monde académique et le monde économique. Les pôles de compétitivité ou les clusters dont la spécificité est de regrouper entreprises, institutions et recherche sur le même champ d’expertise, nous apparaissent comme des leviers précieux.

    En ce qui concerne les questions relatives à l’Enseignement supérieur et la Recherche, à quelles problématiques spécifiques vos deux régions sont-elles confrontées ?

    MFB : En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, nous héritons de dispositifs et de politiques très différents d’un territoire à l’autre. Cela se ressent fortement dans la structuration de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est la conséquence directe de la loi relative à la délimitation des régions de janvier 2015. Pour tenter d’harmoniser ces disparités, nous allons, cette année, mettre en place le schéma régional d’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

    GB : Nous sommes dans une situation analogue. Avec le nouveau découpage des régions, nous héritons d’une seule métropole sur le territoire, Bordeaux. En termes d’organisation, cela simplifie les choses, mais il y a la crainte d’une perte de proximité et d’une centralisation excessive autour de Bordeaux au détriment du reste du territoire. Sans nier la puissance économique et l’attractivité de Bordeaux qui est une locomotive pour notre région, il nous faut trouver un équilibre que notre politique insufflera.

    MFB : Les différences sont fortes d’un territoire à l’autre. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, nous avons deux ComUES très différentes l’une de l’autre. Sur le plan institutionnel, la Comue de Toulouse est dans une logique fédérale associant universités, grandes écoles, organismes de recherche. A Montpellier, en revanche, deux universités ont fusionné et la Comue regroupe des universités sur trois sites : Nîmes, Montpellier et Perpignan.

    GB : Dans notre région, nous rencontrons des problèmes de périmètre : il y a deux comUES dont l’une déborde largement sur la région Centre, deux sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) très différentes l’une de l’autre dont l’une est à cheval sur deux autres régions.

    L’articulation et l’harmonisation des politiques des anciennes régions vont être les objectifs majeurs en 2016. Et nous avons des calendriers serrés. Nous sommes attendus par nos universités et par nos électeurs. Il faut mettre en place des dispositifs dès la première année pour avoir le temps d’évaluer l’efficacité et le bien-fondé de nos actions pour éventuellement réorienter notre politique. Je mobilise en ce moment tous les services pour que nous puissions présenter un plan cohérent à la prochaine rentrée universitaire.

    MFB : Le défi sera, à la fois, de garder le meilleur de ce qui se faisait, de prendre en compte les spécificités liées à la culture et à l’organisation d’un territoire et de les faire coïncider avec les nouvelles entités territoriales. L’année 2016 va être complexe mais passionnante.

    Concernant les universités en particulier, quels sont, selon vous, les chantiers prioritaires pour ces six prochaines années ?

    MFB : Il est assez difficile de répondre à cette question car l’Etat a mis en place des regroupements d’université dans lesquels on trouve des universités, des écoles, notamment d’ingénieur et des organismes de recherche. Nous devons donc mener une stratégie globale.

    Nous allons également travailler sur ce qu’on appelle les « réseaux de sites ». Je m’explique. Il existe des sites de proximité qui sont proches géographiquement des métropoles et qui se situent ainsi dans leur sphère d’influence. Par exemple, nombre d’étudiants effectuent leur licence dans un site de proximité et choisissent de poursuivre en master et en doctorat à Montpellier ou à Toulouse. Nous voulons développer ces réseaux de sites pour dynamiser à la fois les métropoles et les sites de proximité. Mais cela ne se fera pas naturellement. Il faut une volonté politique.

    GB : Je partage complètement cette analyse. Les régions ont vocation à s’appuyer naturellement sur les regroupements d’université. Encore faut-il que ces regroupements soient configurés et organisés pour être un vrai relai de la région, aussi bien sur le plan de l’organisation spatiale qu’en termes de compétences propres. Aussi, il faut que l’investissement au niveau de la région soit efficace. Nous allons nous engager sur deux grands axes : l’organisation de l’écosystème de l’innovation à partir des universités et le renforcement des liens entre l’enseignement supérieur et le secondaire. Ce dernier point est essentiel. La réussite des élèves au lycée et en premier cycle universitaire est d’une importance capitale sur laquelle nous allons activement travailler.

    MFB : Je me dis que nous avons vraiment intérêt à échanger continuellement et à agir de concert car beaucoup de problématiques nous sont communes.

    GB : C’est juste. Il est nécessaire qu’un rapprochement soit opéré entre nos deux fonctions, peut-être par le biais de l’Association des régions de France ?

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