Communiqués de presse

Sous financement des universités : il faut cesser de nier la réalité

France Universités : date de publication

    AEF vient de dévoiler le contenu détaillé d’un rapport IGF/IGAENR, daté d’avril 2019, consacré « au pilotage et à la maîtrise de la masse salariale des universités ». Au-delà de très nombreuses approximations et inexactitudes, ce rapport escamote l’essentiel : une dépense par étudiant en diminution de près de 7% sur la période concernée et le sous-financement chronique des universités.

     

    Un sous financement incontestable. Alors que personne ne conteste le sous financement des universités françaises, les auteurs du rapport, tout à leur volonté de démontrer la supposée mauvaise gestion de nos établissements, affirment sans rire que « les universités sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques ». Frédérique Vidal avait réagi en septembre 2019 à la publication dans Les Échos d’extraits de ce rapport en jugeant qu’il était « grand temps d’en finir avec une certaine manière de renvoyer en permanence les universités à une image dégradée qui n’a aucune réalité ». En effet, les deux inspections nous avaient habitués à plus de rigueur.

    Les auteurs du rapport confondent le % du PIB consacré à l’enseignement supérieur avec celui consacré aux universités, et escamotent l’essentiel, à savoir la dépense par étudiant (Cf. infra). Car si la subvention de l’État entre 2012 et 2018 a bien augmenté de 8,9%, les effectifs étudiants ont quant à eux progressé de 10,4 %, si bien que la subvention par étudiant est, en euros constants, en diminution de près de 7% sur la période concernée.

    Des oublis « opportuns ». Mieux, ils omettent de préciser que la France, au sein de l’OCDE, se situe loin, contrairement à ce qu’ils affirment, des pays comparables comme l’Allemagne par exemple. Ainsi, selon l’EESR 2019, publication officielle du MESRI, cette dernière « dépense plus par étudiant que la moyenne des pays de l’OCDE et que la France » même si cela « représente au total une plus faible part de son PIB. » Car si pour l’ensemble des pays de l’OCDE, la dépense moyenne par étudiant progresse de 11 % entre 2010 et 2015, en France, sur la même période, elle baisse de 3%.

    Au-delà de nombreuses approximations et inexactitudes, les auteurs oublient enfin de préciser que sur l’augmentation de 900 M€ de la subvention de l’État constatée entre 2011 et 2018, près de 500 M€ s’expliquent par l’augmentation du taux de la cotisation patronale au Cas pensions… c’est-à-dire un montant que les universités reversent immédiatement au budget de l’État !

    De nombreux rapports, de la Cour des comptes et de ces mêmes inspections ont souligné les progrès de nos établissements, avec le renforcement des fonctions financières et immobilières par exemple, ce qui a nécessité des redéploiements et des recrutements, malgré un déficit chronique de personnels de soutien à la recherche (Cf. infra) ou d’administration.

    Il existe bien entendu des marges de progression dans la gestion des établissements. Mais cela demande des moyens supplémentaires pour qu’enfin la France se mette au niveau des pays comparables.

    Les chiffres à retenir

     

    Dépense par étudiant : les chiffres officiels du MESRI

    « Les coûts moyens par étudiant varient en 2017, de 10 330 euros par an pour un étudiant d’université à 14 210 euros pour un étudiant de STS et 15 760 euros pour un élève de CPGE. La dépense par étudiant en université reste inférieure à celles des autres formations bien qu’elle ait connu la croissance la plus forte depuis 1992 (+ 37,7 %, contre + 19,3 % pour les STS et + 8,7 % pour les CPGE). Ces dépenses moyennes ont ainsi eu tendance à se rapprocher, à partir du milieu des années 2000, mais elles s’écartent à nouveau depuis 2013 pour atteindre, en 2017, un écart de près de 5 500 euros entre le coût d’un étudiant en université et en CPGE. »

    Source : État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France 2019, « la dépense d’éducation pour l’enseignement supérieur »

     

    L’exemple du personnel de soutien à la recherche

    Le ratio personnel de soutien par chercheur est dans les universités de 0,48, très loin des standards français et internationaux. Dans les organismes de recherche il est de 0,85.

    Source : Etat de l’emploi scientifique 2018

     

    Non compensation du Glissement Vieillesse Technicité : décryptage

     

    • Le GVT n’est pas la conséquence de choix opérés par les universités, mais de règles statutaires fixées par l’État s’appliquant à tous les fonctionnaires et qui s’imposent aux universités. C’est pourquoi, chaque année, du fait du GVT, la masse salariale des universités augmente de près de 40 M€. Depuis que les universités gèrent leur masse salariale c’est près de 400 M€ qu’elles ont dû consacrer à son financement sans compensation de la part de l’Etat[1].
    • Pour faire face, les universités ont été contraintes, comme le rappellent les auteurs du rapport, de geler des postes. Si bien que sur les 5 000 emplois supplémentaires prévus au budget de l’Etat entre 2013 et 2017, moins d’un quart a été effectivement pourvu puisque les universités ont dû consacrer l’essentiel du financement attendu pour ces emplois à la couverture du GVT.

    Revoir la structure des emplois : en contradiction avec l’ambition de renforcement de la recherche publique

     

    Plutôt que le gel des emplois, les auteurs du rapport recommandent aux universités de revoir la structure de leurs emplois et de ne pas remplacer tous les départs à la retraite (ce qui s’analyse comme un gel d’emplois). Ils semblent découvrir que « le remplacement à l’identique de 2 enseignants sur trois et de 3 Biatss sur quatre permettrait de redéployer ou repyramider 2 497 emplois de Biatss ou 992 d’enseignants ».

    Mais ils vont plus loin et préconisent de modifier le rapport contractuels/titulaires au détriment de ces derniers. Cependant, le rapport se garde bien de détailler les conséquences qu’auraient la mise en œuvre de telles propositions : pour couvrir le GVT il faudrait, chaque année, diminuer de 800 le nombre d’emplois d’enseignants titulaires ou de près de 3 000 celui des Biatss ou encore, remplacer 1 600 titulaires par 1 000 contractuels… ou toute autre combinaison entre ces mesures en contradiction avec l’ambition affichée de renforcement de la recherche publique et de l’accueil d’un plus grand nombre d’étudiants.

    Les universités sont comptables de la bonne gestion de leur masse salariale : elles sont tout autant responsables de la qualité de leurs missions de formation et de recherche.

    [1] Le rapport fait état de 276 M€ non financés fin 2017, donc 356 M€ fin 2019…et 396 M€ fin 2020. A noter, en outre que depuis plusieurs années il n’est pas non plus financé aux EPST

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