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[Covid19] Participez à l'étude sur l'isolement social pour maintenir votre bien-être psychologique

France Universités : date de publication
    En cette période si inédite qu’est le confinement pour lutter contre le Covid-19, verbaliser notre expérience du confinement au travers un journal écrit pourrait assurer le maintien de notre force mentale. Entretien avec Tamara Leonova, maître de conférences et chercheuse au laboratoire de psychologie PErSEUs qui a mis au point une étude sur l’isolement dans le cadre de son projet de recherche « Seul.e sur Mars ».

    Pourquoi avez-vous conçu cette étude ?

    Tamara Leonova : « Les images des villes chinoises en confinement avec leurs rues vides m’ont rappelé une expérience exceptionnelle que j’ai déjà vécue fin avril 1986 dans ma ville natale en Biélorussie à un peu plus de 100 km de Tchernobyl, lieu où s’est produite la première grande catastrophe nucléaire. Les premiers jours qui ont suivi cet événement tragique furent les jours des « rues vides » dans une ville de plus de 500 000 habitants. J’ai vécu près de l’épicentre pendant les trois premières années qui ont suivi la catastrophe et j’y suis revenue régulièrement chaque année dès mon installation en France. Ma mémoire autobiographique a gardé les traces de ce vécu sans que j’y pense.
    En réfléchissant sur cette analogie au début de l’épidémie, je me suis dit que nous ne vivons pas chaque jour les expériences de vie exceptionnelles, heureuses ou malheureuses, même si elles marquent notre esprit de manière indélébile. J’ai donc lancé l’étude « Le Journal du confinement », conçue avec l’aide de mes étudiants de Licence de psychologie, le 17 mars pour sceller le temps qui passe trop vite, garder les traces de cette vie sortant de l’ordinaire. L’objectif premier était de soutenir mes étudiants de psychologie dans l’immédiat, leur donner une idée en soi thérapeutique conduisant à profiter du confinement pour penser le monde et le soi dans ce monde, faire attention au temps qui passe. Une occasion rare, pour ne pas dire unique, qui permet de changer la vision du confinement le rapprochant de la tradition spirituelle des « ermites », très vénérés en Russie, pendant le Moyen Âge, considérés comme les « grands sages ». Leur sagesse reconnue par tous en était le résultat tangible des effets bénéfiques de l’isolement social. Or, le confinement que nous vivons nous oblige à nous retirer du monde social. Que trouverons-nous suite à ce retrait imposé et massif ? Chez soi, dans la famille, dans le couple. Et si c’est le « désert aride » que nous trouvons en arrêtant notre course de vie effrénée, nos interactions sociales souvent superficielles, nos communications incessantes vides de sens, comment le transformer en oasis pour chacun de nous et les proches qui partagent notre espace de vie trop réduit ? « La réalité… Elle existe ? Ou bien nous la construisons à partir de nos croyances ? Et dans ce cas, nous pouvons la déconstruire, la modifier… pour le meilleur et pour le pire ». « 

    Comment se déroule-t-elle ?

    Tamara Leonova : « L’objectif de l’étude est de recueillir les données sur l’expérience du confinement à travers les récits de vie correspondant à la période du confinement, puis les 1er, 7ème et 14ème jour après la fin du confinement et les 1er, 2ème et 3ème mois après le confinement. Il semble qu’il existe des effets psychologiques du confinement (voir une récente revue de littérature de Brooks et al., 2020), d’où la date de la fin de cette étude qui correspond à la date de la fin du confinement + 3 mois.
    Dès les premiers jours du confinement les participants doivent tenir Le Journal du confinement à la manière du journal intime en partageant avec lui leurs pensées, sentiments, joies et colères, leurs réflexions et observations. Les deux volets de l’étude – quantitative (tableau du temps qui passe) et qualitative (récit de vie, Le Journal du confinement) – doivent être faits en parallèle et chaque jour. Je suis consciente de la contrainte que cela peut créer pour certains participants. C’est pourquoi le journal seul tenu régulièrement peut-être déjà une belle réalisation pour toute personne qui décide de participer à l’étude. Cette étude garantit l’anonymat et la confidentialité des données personnelles recueillies à travers les récits de vie. La participation à l’étude est volontaire, sans rémunération. Tout participant est libre de se retirer de l’étude sans explication quand il le voudra. Le Journal du confinement peut contenir des illustrations, des photos, des dessins. C’est à la créativité individuelle de décider quelle forme personnalisée, unique donc, donner à ce Journal, quelle longueur et quel contenu. Une seule exigence : le Journal doit obligatoirement être écrit sur l’ordinateur ou à la main. »

    Quels sont les bienfaits psychologiques du récit de vie ?

    Tamara Leonova : « En psychologie sociale européenne il existe une longue tradition des recherches sur le partage social des émotions en tant que stratégie de la régulation émotionnelle. Ce processus permettrait à une personne de recouvrir son bien-être psychologique. Les résultats de nombreuses recherches dans le contexte clinique et en laboratoire ont mis en évidence que les individus qui partageant leurs émotions ont la meilleure résistance psychologique face à des maladies graves. Au début de notre siècle, les résultats des recherches en neurosciences sociales ont permis de constater que la douleur psychique due à l’exclusion sociale est traitée par le cerveau comme la douleur physique. Donc, tenir le journal en verbalisant ce que nous vivons, positif et négatif, semble être le comportement ayant des effets bénéfiques sur la force mentale assurant le maintien de l’esprit énergique, constructif qui préserve notre équilibre mental.  Les émotions éprouvées se transforment en pensée et, de cette manière, les individus intègrent le sens du vécu dans l’histoire de leur vie. Comme la gymnastique matinale agit sur notre corps, Le Journal du confinement relèverait de l’entretien de notre santé mentale pendant cette période. La pensée, selon Hannah Arendt, n’a pas besoin d’auditeurs, car c’est le dialogue silencieux avec soi-même (Arendt, 1978/tr.1981).
    Le confinement peut être vu comme une occasion de profiter de la lenteur imposée pour nous arrêter et réfléchir sur l’humanité toute entière, la condition humaine, notre force et fragilité, passer en revue nos valeurs morales et, peut-être, les réorganiser. Allons-nous créer une vie différente de notre vie habituelle, ou bien restons-nous les mêmes ? Le confinement nous rend-t-il plus attentif.ve à nos proches, nos amis ou bien il nous éloigne d’eux ? Y a-t-il la régularité dans une éventuelle distanciation (éloignement) par rapport au monde social à mesure que le temps passe ? Serons-nous les mêmes à la sortie de cette expérience de confinement ? « 
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