Migrations climatiques : une réalité qui menace les droits des habitants du Pacifique
Alors que les insulaires du Pacifique participent dans une infime mesure à l’émission des gaz à effet de serre, ils subissent déjà de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique. Face aux possibilités de submersion par l’océan ou à la fréquence accrue d’évènements météorologiques extrêmes, les droits à la santé, à l’éducation, à la propriété, et même à la vie, se voient menacés.
A travers un documentaire passionnant, « Nations of water », Géraldine Giraudeau entend faire connaître les enjeux de migrations climatiques pour pousser à une meilleure adaptation du droit international. Désormais professeure de droit public à l’Université Paris-Saclay (UVSQ), elle a enseigné en délégation à l’Université de la Nouvelle Calédonie de 2017 à 2019, puis à l’Université de Waikato (Nouvelle-Zélande) de 2019 à 2021. Elle a également exercé la fonction de juge assesseur nommée par le Haut-commissariat des Nations unies à la Cour nationale du droit d’asile entre 2012 et 2016. A travers cette interview accordée au site de France Universités, elle nous décrit la réalité du terrain pour éveiller les consciences et agir sans tarder.
France Universités : Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce documentaire ?
Géraldine Giraudeau : En travaillant sur ce thème, et en ayant vécu plusieurs années dans le Pacifique, il m’est apparu important de montrer concrètement les enjeux des migrations climatiques. Les habitants de la région souhaitent avant tout pouvoir rester chez eux : le déplacement est une mesure de dernier recours qui a des conséquences graves pour les individus et les groupes. Le format vidéo est aussi apparu comme un moyen utile de créer des liens entre les chercheurs français et anglophones travaillant sur ces questions.
Dans le documentaire, l’un des intervenants affirme que le changement climatique a une répercussion sur le « droit à la vie » ? Comment comprendre une telle expression ?
La crise climatique est une crise des droits de l’homme. Ses effets concernent le droit à l’éducation, à la santé, à la propriété…lorsque la montée des eaux par exemple entrave la circulation depuis certains villages. Le droit à la vie est lui aussi directement menacé, car il devient tout simplement impossible de vivre sans danger sur certains de ces territoires, du fait des possibilités de submersion par l’océan ou de la fréquence accrue d’évènements météorologiques extrêmes. Il peut également devenir trop difficile d’avoir accès à de l’eau potable, ou de se nourrir, la salinisation des sols empêchant les cultures, et les stocks de poissons, comme les thons, s’étant déplacés du fait du réchauffement de l’océan.
A quelles difficultés juridiques seront confrontés les migrants climatiques dans les futures années ?
Dans le Pacifique insulaire, ces difficultés sont déjà des réalités. Elles tiennent principalement à l’impossibilité de bénéficier d’un statut juridique particulier, du fait notamment de l’inapplicabilité de la Convention de Genève sur les réfugiés à leur situation, et de l’absence également de voies migratoires ouvertes sur ce motif. Ces problèmes qui sont déjà très documentés dans cette partie du monde vont être démultipliés dans les années à venir, notamment en ce qui concerne l’Asie du Sud-Est beaucoup plus peuplée.
L’autre particularité est qu’en Océanie, la survie de certains Etats, dont le territoire va devenir inhabitable, est en jeu.
Quels sont nos moyens d’action ?
Ces Etats insulaires ne contribuent que dans une proportion infime à l’émission des gaz à effet de serre et ils en sont pourtant les premières victimes. En aidant à mieux faire connaître leur situation, on peut soutenir certaines de leurs initiatives pour obtenir les financements promis mais encore ineffectifs – ce sera un des principaux enjeux de la prochaine COP-, et aussi pour obtenir justice, notamment par la sollicitation des juridictions internationales.
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