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[Expérience] LUMINA, un dosimètre à fibre optique pour la station spatiale internationale

France Universités : date de publication

    Dans le cadre de la contribution nationale du CNES à la mission ALPHA de l’ESA, avec l’astronaute français Thomas Pesquet, le laboratoire Hubert Curien, en étroite collaboration avec iXblue et le CERN, a été sélectionné par le CNES pour conduire le projet LUMINA visant à déployer un dosimètre ponctuel à fibre optique au sein de la station spatiale internationale. Éclairage par Sylvain Girard, enseignant-chercheur de l’Université Jean Monnet, au laboratoire Hubert Curien et responsable scientifique du LabH6.

    L’implémentation de technologies à base de fibres optiques dans des environnements riches en radiations, tels que l’espace, est de plus en plus étudiée par des groupes de chercheurs, notamment en France par le laboratoire Hubert Curien (LabHC, UMR CNRS 5516) de l’Université Jean Monnet Saint-Etienne (UJM). Les fibres possèdent de nombreux avantages, tels que leur faible poids et volume, leur grande bande passante, en vue de leur utilisation dans des environnements aussi sévères. Les fibres optiques peuvent être intégrées au sein de liaisons optiques, de capteurs ponctuels ou répartis de température, de déformation ou de pression, utilisés dans les différents domaines du nucléaire : spatial, physique des hautes énergies, centrales nucléaires ou démantèlement…

    Une collaboration Université / Entreprise

    A l’instar des technologies microélectroniques, les radiations peuvent altérer les performances des fibres optiques, en particulier à travers un phénomène de noircissement (atténuation induite par irradiation, RIA) de la silice pure ou dopée utilisée qui diminue leur capacité de transmission depuis l’ultraviolet jusque dans l’infrarouge. En étroite collaboration avec iXblue et à travers le laboratoire de recherche commun LabH6, l’équipe MOPERE du LabHC étudie les mécanismes fondamentaux de l’interaction radiation – matière dans les fibres optiques afin d’identifier des solutions permettant de contrôler leur réponse radiative, optimisant leurs propriétés pour une application et un environnement donné. La plupart des travaux menés visent ainsi à améliorer leur tenue aux radiations pour réduire l’impact de la RIA sur les performances des systèmes.

    Des utilisations variées

    Ces études ont ainsi permis d’instrumenter avec des fibres « durcies » aux radiations des environnements de plus en plus extrêmes, comme les sites de stockage de déchets radioactifs ou cœur des centrales nucléaires. Une autre application réside, au contraire, sur l’emploi de fibres radiosensibles pour détecter la présence de radiations tant ionisantes que non ionisantes. Certaines, telles que les fibres phosphosilicates, présentent des propriétés telles qu’elles peuvent être utilisées comme dosimètres et ainsi permettent de quantifier le niveau de radiations déterminé par la dose ionisante déposée.

    En effet, dans la troisième fenêtre des télécommunications (autour de 1550 nm), ces fibres optiques présentent une RIA qui augmente linéairement avec la dose déposée jusqu’à environ 500 Gy sans dépendance notable envers le débit de dose ou la température d’irradiation dans la gamme -80°C jusque 120°C [1,2]. En adaptant l’architecture du dosimètre à fibre optique, il est possible de faire soit une mesure répartie de la dose, tout au long de la fibre optique, avec une précision de l’ordre du mètre, soit une mesure ponctuelle avec un seuil de détection plus faible. Ainsi, aujourd’hui, le CERN, en collaboration avec le LabHC, instrumente avec de tels dosimètres répartis les accélérateurs du Large Hadron Collider [3].

    Un dosimètre pour l’ISS

    Dans le cadre de la contribution nationale du CNES à la mission ALPHA de l’ESA, avec l’astronaute français Thomas Pesquet, le laboratoire Hubert Curien, en étroite collaboration avec iXblue et le CERN, a été sélectionné par le CNES pour conduire le projet LUMINA (Fig.1a) visant à déployer un dosimètre ponctuel à fibre optique au sein de la station spatiale internationale (ISS).

    L’architecture sélectionnée par le LabH6 pour le dosimètre à fibre optique (Fig.1b) possède deux voies de mesure travaillant pour l’une dans l’infrarouge, pour l’autre dans le domaine visible.

    Figure 1. a) Ecusson de l’expérience LUMINA – Credits : CNES/GRARD Emmanuel

    b) Illustration du modèle sol de LUMINA avec ses deux bobines de fibres optiques de 2 et 7 km – Credits : LabH6/GIRARD Sylvain

    La première voie permettra de mesurer l’atténuation induite par l’irradiation à 1550 nm dans une bobine de 7 km de fibre optique. La seconde mesurera les pertes dans le visible d’une bobine de 2 km, un domaine spectral moins étudié mais où la fibre optique sélectionnée est encore plus sensible aux radiations [4].

    L’objectif de LUMINA est de parvenir à mesurer, en temps réel, les faibles niveaux de RIA générés par les radiations solaires et cosmiques et ainsi de quantifier le faible niveau de radiations au sein du module Columbus de la station spatiale internationale. Pour cela, une calibration du dosimètre sera réalisée au CERN sous irradiation gamma.

    Cette démonstration inédite de l’usage d’un dosimètre à fibre optique dans l’espace devrait ouvrir la voie au développement de nouvelles générations de capteurs à fibres optiques pour les futures missions lunaires ou vers Mars. Ces dosimètres auront alors pour objectif de détecter les prémices annonciatrices d’une éruption solaire et de prévenir les astronautes de l’arrivée d’une tempête solaire et de la nécessité de se protéger.

    [1] A. Morana et al., IEEE Trans. Nucl. Sci., in press, 2021. DOI: 10.1109/TNS.2021.3053164

    [2] D. Di Francesca et al., J. Lightwave Techn., 37 (18), 2019. DOI: 10.1109/JLT.2019.2915510

    [3] D. Di Francesca et al., IEEE Trans. Nucl. Sci., 66 (1) 2018. DOI: 10.1109/TNS.2018.2818760

    [4] S. Girard et al., J. Non-Cryst. Solids, 2011 (357), 2011. DOI : 10.1016/j.jnoncrysol.2010.11.113

     

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