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Envahissant plastique

France Universités : date de publication

    Les plastiques rejetés sans précaution ou ceux stockés dans les décharges se retrouvent dans la nature, où ils peuvent rester 1000 ans avant d’être dégradés. Leurs effets sur l’environnement et sur notre santé pourraient être notables. Il est donc urgent de recycler nos plastiques.

    Les plastiques rejetés dans la nature y restent. Tel est le constat des scientifiques qui, comme Alexandra ter Halle, mesurent la quantité de plastique dans l’environnement. « Quelle que soit la taille de ces plastiques, ils ont des effets sur les organismes vivants », indique la chercheuse au Laboratoire des Interactions Moléculaires et Réactivités Chimiques et Photochimiques (IMRCP) à l’Université Paul Sabatier de Toulouse.

    Cheval de Troie

    Les animaux marins s’emprisonnent dans de vieux filets en plastique, ou avalent des sacs. Les poissons avalent les microplastiques de la taille d’un grain de riz, tandis que les petits organismes absorbent ceux dix ou cent fois plus petits. Même les nanoplastiques, de taille largement inférieure au micromètre, sont dangereux : ils peuvent rentrer dans les cellules et y déposer des substances chimiques problématiques. C’est l’effet « cheval de Troie », qui a récemment été démontré en laboratoire.

    Et ce n’est pas tout. Sur les plastiques se développent des colonies de micro-organismes appelées biofilms. Elles sont ainsi transportées sur de très longues distances car le plastique flotte. Ce matériau participe ainsi à la dispersion d’espèces invasives ou de bactéries pathogènes.

    Additifs et polluants persistants

    Autre problème : le plastique est formé de polymères, mais aussi d’additifs leur conférant une couleur, des propriétés spécifiques… Ces additifs ne sont pas liés chimiquement aux polymères, ils peuvent donc migrer vers l’environnement. Lorsque des animaux avalent ces plastiques, ses sucs gastriques accélèrent ce relarguage d’additifs dans son estomac. « Des polluants organiques persistants s’associent aux plastiques, pour lesquels ils ont une forte affinité, observe également Alexandra ter Halle. Ainsi, dans une rivière polluée aux PCB, il y a un million de fois plus de PCB dans le plastique que dans l’eau. Si ce plastique est avalé, il y a une bio-accumulation de ce polluant. »

    Mais quelles quantités de ces plastiques sont présents dans l’environnement ? C’est la grande question, à laquelle les chercheurs peinent à répondre. « Les premières estimations datent de 2015, indique Alexandra ter Halle. Jenna Jambeck, de l’université de Géorgie aux Etats-Unis, a évalué que les quantités de plastique déversées annuellement dans les océans étaient de 8 à 15 millions de tonnes par an, un chiffre qui sera multiplié par dix dans les 15 ans à venir. De leur côté, Christopher Blair Crawford et Brian Quinn ont estimé dans leur livre [1] que 150 millions de tonnes de plastique avaient été rejetées dans les océans depuis l’invention du plastique. »

    Où est le plastique manquant ?

    De leur côté, les océanographes ont utilisé les mesures in situ dans plusieurs océans de la quantité de microplastiques (de taille équivalente ou supérieur à celle d’un grain de riz), pour extrapoler à l’ensemble des océans, à l’aide d’un modèle. « Ils ne retrouvent que 150 000 tonnes, relève Alexandra ter Halle. Autrement dit, on ne repère que le millième de ce que l’on a déversé. » Le reste est soit trop petit pour avoir été repéré, soit il a coulé au fond des océans, soit ingéré par les animaux, ou s’est échoué sur les côtes…

    Or, l’élimination des plastiques est très lente : entre 1 et… 1000 ans selon les plastiques et les conditions. « Le polyéthylène, le polypropylène et le polystyrène ne sont pas biodégradables par les bactéries », indique par exemple la chercheuse. Le plastique s’accumule donc partout, dans les océans, mais aussi dans les rivières, les déserts, les glaciers, les pôles…

    Récupération impossible

    C’est d’autant plus problématique que l’on ne connaît pas leur toxicité. Plus la particule de plastique est petite, plus sa toxicité potentielle est grande, notamment par l’effet « cheval de Troie » mentionné précédemment. Si ces plastiques sont partout, « que boit-on, que mange-t-on, que respire-t-on ? » se demande Alexandra ter Halle.

    Il n’existe qu’une solution : éviter les rejets de plastique. En effet, toutes les méthodes curatives sont inopérantes. « Les gens aiment bien imaginer qu’on peut réparer le mal qui a été fait, mais ce n’est pas possible : on ne récupèrerait qu’une partie infime du plastique, tout en ratissant le plancton et de multiples organismes, car le plastique est intimement lié à la matière organique », souligne la chercheuse. Il faut donc rapidement prendre conscience de l’impact de ce matériau sur l’environnement, et mettre en place des solutions adaptées, essentiellement la collecte et le recyclage, car le plastique biodégradable a un bilan environnemental peu satisfaisant.

    [1] Microplastic Pollutants, 318 p., 2017, Elsevier.

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