[Enquête] Confinement et « école à la maison » : le point de vue des parents
Depuis la fermeture des établissements scolaires le 16 mars, l’école à la maison s’installe donc dans le temps. Une situation inconnue à laquelle les parents d’élèves doivent faire face tant bien que mal. Romain Delès et Filippo Pirone, enseignants-chercheurs en sociologie de l’éducation à l’université de Bordeaux se sont saisis de ces circonstances pour lancer une étude sociologique à ce sujet. Explications.
A l’instar du fameux dicton « l’occasion fait le larron », le concept d’école à la maison induit par la crise sanitaire en est une pour Romain Delès, maître de conférence en sociologie à l’Institut national du professorat et de l’éducation à l’université de Bordeaux – INSPE et chercheur au Centre Emile Durkheim et Filippo Pirone, maitre de conférences en sciences de l’éducation et de la formation à l’université de Bordeaux –INSPE et chercheur au laboratoire Culture éducation société.
« La situation actuelle s’avère être une opportunité de recherche inédite que nous devons saisir » affirment-ils. Ces deux spécialistes s’intéressent déjà aux pratiques parentales d’accompagnement à la scolarité. Pour eux, cette pandémie est l’occasion d’observer de manière accentuée les inégalités existantes. « En matière éducative, ce confinement est un véritable laboratoire de fabrication des inégalités. Grâce à cette étude et à travers le point de vue des parents, nous voulons en mesurer l’ampleur et aussi déterminer la nature de ces fractures: numériques, pédagogiques, sociologiques, économiques. Nous voulons aussi observer la manière dont certaines familles tentent de pallier aux difficultés liées à une scolarisation « confinée… » explique Filippo Pirone.
Documenter les pratiques parentales d’accompagnement
Pour étudier les pratiques d’école à la maison en cette période de confinement, les sociologues ont conçu un questionnaire à l’attention de tous les parents d’élèves du système éducatif français. « Nous avons contacté par mail les 63 000 établissements scolaires français, publics et privés. De la maternelle au lycée. Les chefs d’établissements qui le souhaitent transmettent aux parents le questionnaire qui comprend 119 questions. Il faut compter une dizaine de minutes pour y répondre. En deux semaines nous avons obtenu 30 000 réponses, un taux inattendu ! Cela va nous permettre d’être précis » déclarent les sociologues.
L’objectif est d’obtenir une certaine représentativité des catégories sociales et de pondérer les résultats en fonction. La deuxième étape sera constituée d’enquêtes qualitatives via des entretiens téléphoniques. « Nous souhaitons par ce biais joindre une population plus singulière, ceux qui sont exclus du questionnaire car ils n’ont pas d’accès à internet ou ne sont pas familiers de la langue française. Nous sommes aidés par Patrick Rayou, professeur émérite en sciences de l’éducation de l’université Paris 8 et chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche éducation, formation, travail qui travaille avec les établissements d’un réseau d’éducation prioritaire. Ces familles sont très éloignées des attendus scolaires » précise Romain Delès.
Des résultats attendus par la communauté éducative
Il leur faudra bien 6 mois pour récolter l’ensemble des données, mais déjà les réponses au questionnaire démontrent une grande diversité des situations…Afin de travailler dans les meilleures conditions, Romain Deles et Filippo Pirone ont répondu à l’appel à projets Covid-19 de l’Agence nationale de la recherche. Un projet original et dont les résultats seront très utiles à l’ensemble de la communauté éducative qui pourra ainsi adapter ses pratiques. Par ailleurs, les deux chercheurs ont constitué un consortium de recherche internationale dans lequel des scientifiques de différents pays d’Europe et d’ailleurs travaillent sur des modalités de recherche similaires. L’objectif sera donc comparer la situation française avec celle d’autres systèmes.
Répondre à l’enquête
Le questionnaire est à remplir en ligne, et prend 10 à 15 minutes.