[Éclairage] Produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau sur une membrane polymère acide
Permettant de convertir l’électricité renouvelable issue des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques en énergie chimique, l’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène est amenée à jouer un rôle central dans la transition énergétique. Eclairage par Pierre Millet, enseignant-chercheur à l’Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay de l’Université Paris-Saclay.
Pour beaucoup d’entre nous, l’électrolyse de l’eau est une expérience simple, découverte au Lycée : le passage du courant électrique dans l’eau liquide provoque sa décomposition en deux gaz, l’hydrogène moléculaire (noté H2) et l’oxygène moléculaire (noté O2), dans le rapport volumique 2 pour 1. Mais l’électrolyse de l’eau est un véritable procédé industriel : certaines machines ont une puissance électrique allant jusqu’à plusieurs dizaines de Mégawatts. Mieux, elle est amenée à jouer un rôle central dans le cadre de la transition énergétique. Elle permet en effet de convertir l’électricité renouvelable issue des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques en énergie chimique, l’hydrogène, un composé chimique gazeux qui peut être stocké et distribué de multiples manières en fonction des besoins.
L’objet de cet article est de présenter le principe d’un type particulier d’électrolyse, l’électrolyse de l’eau dite à « membrane polymère acide ». Il s’agit d’une technique, longtemps utilisée pour la production d’oxygène dans les environnements confinés (sous-marins, station orbitale spatiale). Depuis plusieurs années, elle est utilisée pour des applications grand-public, en particulier la production d’hydrogène pour la mobilité automobile à l’aide de piles à combustible. La figure montre une vue en coupe d’une telle cellule avec le détail des flux de matière et les réactions qui s’y produisent.
Figure : schéma en coupe montrant l’intérieur d’une cellule d’électrolyse de l’eau à électrolyte polymère acide [1] (remarque : les épaisseurs des couches ne sont pas à l’échelle).
La cellule élémentaire a une faible épaisseur (typiquement 5-7 mm). Elle est délimitée par deux plaques terminales en titane (5 & 5’). Chaque cellule contient plusieurs couches empilées les unes contre les autres, en série. Chacune de ces couches joue un rôle particulier. Le cœur du réacteur, là où l’eau est décomposée en hydrogène et en oxygène, est une fine (environ 0.15 mm d’épaisseur) membrane polymère acide qui conduit l’électricité grâce à cette acidité (1). Elle permet aussi de séparer les bulles de gaz formées au cours de la réaction. Elle est recouverte en surface par deux électrodes poreuses à base de métaux précieux, l’une pour former l’hydrogène (2) à base de petites particules de platine, et l’autre pour former l’oxygène (2’) à base de petites particules d’oxyde d’iridium. Une couche poreuse supplémentaire est plaquée contre chacune des électrodes : fibre de carbone à la cathode (3) et disque de titane à l’anode (3’). Leur rôle est de distribuer le courant de manière homogène sur les électrodes tout en permettant l’arrivée d’eau et le départ des gaz à travers les pores.
En cours de fonctionnement, l’eau liquide est pompée dans la cellule dans un espace ad hoc (4 & 4’) ménagé entre la plaque métallique et un milieu poreux. Il s’agit en général d’une simple grille de titane qui a plusieurs fonctions : (i) créer une résistance hydraulique qui permet un bon mouillage de toute la cellule ; (ii) assurer la circulation du courant entre les plaques terminales et les couches poreuses ; (iii) servir d’échangeur thermique intégré car en fonctionnement, la majeure partie de l’eau qui circule dans chaque compartiment sert à refroidir la cellule qui chauffe lorsqu’elle est traversée par un courant électrique.
Au final, cette méthode simple d’électrolyse de l’eau sur un matériaux particulier, une membrane polymère acide, permettra à l’avenir de jouer un rôle central dans la transition énergétique en produisant de l’hydrogène en grande quantité et sans impact carbone.
Pour aller plus loin
[1] C. Rozain, P. Millet, Electrochemical characterization of Polymer Electrolyte Membrane Water Electrolysis Cells, Electrochimica Acta, 131 (2014) 160-167. DOI: 10.1016/j.electacta.2014.01.099
[2] D. Bessarabov, P. Millet, ‘PEM water Electrolysis’ (Vol.1 et Vol.2), “Hydrogen and Fuel Cells Primers”, B.G. Pollet Editor, 1st Edition, Elsevier (2018). ISBN Vol.1: 978-0-12-811145-1; ISBN Vol.2: 978-0-08-102830-8. PEM Water Electrolysis – 1st Edition (elsevier.com)