[Éclairage] Apprendre de la crise sanitaire pour remettre la transition écologique au coeur de la société
Par Paolo Guidetti, Professeur d’Ecologie au sein de l’UMR ECOSEAS (CNRS-UNS)
Ecology and Conservation Science for Sustainable Seas
Site web: http://ecoseas.unice.fr/
Greta Thunberg et le coronavirus
On aura remarqué que Greta Thunberg a effectivement disparu des médias et avec elle les thématiques de l’environnement, de la perte de biodiversité et du changement climatique.
D’une part, cela est normal, compte tenu de la situation sanitaire causée par le Coronavirus. Nos émotions et notre attention sont toutes dirigées vers ceux qui tombent malades, ceux qui meurent, ceux qui se battent en première ligne. Ce sont les moments où l’ordre des priorités change profondément. Le dernier modèle de smartphone n’est plus une priorité, mais les sont le pain, les pâtes, les fruits, c’est-à-dire les ressources alimentaires, ce qui est la norme pour tous les êtres vivants sauf l’homme moderne. On ne parle plus des influenceurs ou des stars du spectacle et du sport, mais nous remercions les médecins, les infirmières, les pompiers, les forces de l’ordre et le personnel de ménage, ainsi que les producteurs (notamment locaux) « de vraies choses », de ce qu’on mange en particulier, tels que les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs et ceux qui transportent ou permettent l’accès à ces produits essentiels, tels que les livreurs ou ceux qui travaillent dans les supermarchés. Ce sont des emplois auxquels nous ne pensions pas beaucoup en temps « normal ». Certains secteurs vitaux ont même été maltraités par les politiques gouvernementales, voir les réductions des dépenses pour la santé publique dans certains pays.
Il est juste qu’en ce moment tragique la priorité soit donnée à sauver autant de vies que possible. Il doit être clair, cependant, que cela signifie s’attaquer aux effets, mais non aux causes de la crise actuelle, qui doivent être recherchées dans un contexte beaucoup plus large. Pour cette raison, Greta ne doit pas être oubliée, ainsi que les batailles récentes des plus jeunes et les recommandations des chercheurs sur l’environnement, qui à l’époque pré-Coronavirus étaient d’actualité dans les médias et dans l’agenda politique. En effet, les liens et les analogies entre la crise sanitaire liée au Coronavirus et la crise environnementale-climatique sont multiples. Sur notre belle planète, tout est connecté, directement ou indirectement. C’est un point essentiel pour comprendre « ce que nous étions avant la pandémie » et pour imaginer « ce que nous voulons être après la pandémie« , en clarifiant aussi un concept apparemment banal qui est celui de « normalité ».
Coronavirus, changement climatique et l’erreur du retour à la « normale »
À court et moyen terme, le problème du Coronavirus devra être résolu en tamponnant les dégâts qu’il produit, notamment en sauvant des vies. Cela peut être fait en recherchant un traitement, en développant des vaccins et en équipant les systèmes de santé publique de ce qui est nécessaire, du personnel qualifié aux équipements techniques, tels que les respirateurs et les masques. De même, les effets du changement climatique, tels que l’élévation du niveau de la mer, peuvent être amortis à court ou moyen terme en construisant des barrages et des murs (pour défendre ce qui existe déjà, voir le cas de Venise) ou en construisant plus haut de nouveaux grands ouvrages côtiers (comme les ports et les aéroports) pour faire en sorte que dans 50 ans (mais pas dans mille ans !) tout ne soit pas entièrement immergé dans l’eau. Dans les deux cas, il s’agit de tamponner les effets les plus dramatiques, non d’identifier les causes qui les ont générés, afin d’éviter que des problèmes similaires ne se reproduisent, voire s’aggravent.
Certains soulignent que la crise du Coronavirus a entraîné une réduction des émissions de carbone et d’autres polluants, de la production industrielle, des émissions sonores et du trafic (sur terre, dans le ciel et en mer), conduisant ainsi à une amélioration de la santé environnementale. Erreur grave : il n’y a pas grand-chose portant à se réjouir. D’abord parce que cette réduction de l’impact environnemental est temporaire. C’est une bonne expérience, mais cela n’inversera pas la tendance générale en cours, à savoir la dégradation progressive de l’environnement, la perte de biodiversité et l’aggravation des bouleversements climatiques. Les experts le disent et le bon sens nous le dit aussi. Nous impactons la planète et le climat depuis des siècles et nous pensons que tout ou presque pourrait se résoudre grâce à un mois de relative tranquillité ? La pandémie prendra fin et le monde, à moins qu’il n’y ait de profonds changements structurels, recommencera à fonctionner et les émissions de CO2 reprendront, tout comme la pollution de l’air et de l’eau. Deuxièmement, ce que nous observons ne relève pas d’un plan planifié et structurel. Il s’agit des conséquences d’une série de mesures que nous avons été péniblement obligés de prendre, même de manière chaotique, pour protéger l’homme contre un virus. Ceux qui disent que cette phase est un exemple de la décroissance économique théorisée par certains militants et économistes (qui devrait être lente, planifiée et socialement juste) se trompent ou savent qu’ils mentent. Nous vivons une récession catastrophique et c’est tout. Il en sera de même pour le changement climatique si nous ne nous réveillons pas très vite. La crise sanitaire du Coronavirus et la crise climatique mettent en évidence la fragilité de nos sociétés actuelles et ont un impact dramatique sur la santé humaine.
On ne parle plus du changement climatique, mais il continue de suivre son cours. Hausse des températures, désertification, manque de nourriture et d’eau, vagues de chaleur, inondations, incendies, perte d’animaux pollinisateurs, événements météorologiques extrêmes, expansion des vecteurs épidémiques-pandémiques, etc., et bien ils causeront tellement de souffrances et de morts (surtout dans les pays les moins riches) que, en comparaison, les données relatives au Coronavirus (je dis cela avec le plus grand respect) seront négligeables. En termes quantitatifs et à long terme, les bouleversements climatiques représentent la plus grande menace pour la santé et la vie humaine en absolu. Ils semblent seulement plus lents, donc nous en percevons moins l’urgence.
Pour être pleinement compris, les épidémies-pandémies (y compris le Coronavirus), ainsi que la dégradation de l’environnement et le changement climatique, doivent être analysés à l’échelle globale et à long terme. Cela permettra d’agir sur les causes et pas seulement sur les effets. Si les causes ne sont pas traitées, d’autres événements pourraient survenir, avec les dommages, les souffrances et les morts qui en résulteraient.
La première chose à considérer est que tant pour le changement climatique que pour les pandémies, les coûts des crises mondiales dépassent de loin ceux de leur prévention. Mais pour faire quelque chose de vraiment efficace, il nous faudra avoir le courage de remettre en question notre « normalité ». À commencer par notre mode de vie, par exemple notre alimentation ou l’organisation de notre travail, jusqu’aux modèles et objectifs socio-économiques de presque tous les pays du monde, à commencer par le PIB (le produit intérieur brut). La course à la croissance économique à tout prix, souvent au détriment de la santé humaine et de l’environnement, ainsi que la globalisation, avec l’explosion qui en résulte de la mobilité des hommes et des biens à l’échelle planétaire, ne sauraient échapper à une réflexion approfondie. Pour ces raisons, nous ne devons pas du tout chercher à revenir à la « normale » précédente, car cette « normale » était déjà une crise et représentait une grande partie du problème.
À grande échelle, la crise du Coronavirus a montré à quel point nous sommes tous dans le même bateau, comme l’a si bien dit le pape François. Les virus, ainsi que le changement climatique, n’ont pas de frontières, comme l’a confirmé le président Macron. Ce sentiment de partage des problèmes graves, ne peut s’éprouver que dans un monde où l’on voit souvent des divisions que l’homme a inventées (couleur de la peau, religion, sexe, âge, etc.). La crise sanitaire a mis en évidence l’importance vitale d’avoir des systèmes de santé publique efficaces, mais aussi la nécessité, au moment de relancer la future économie, de ne plus négliger la santé humaine, d’assurer l’équité sociale et la préservation de l’environnement (tous les êtres vivants inclus, pas seulement l’homme). Ce sont les trois ingrédients d’un avenir durable : santé, équité, environnement. Un avenir durable ne sera possible qu’en faisant des choix judicieux et en modifiant les objectifs de notre économie et de notre société. Ce n’est que de cette manière qu’il sera possible d’inverser la voie en ce qui concerne les inégalités sociales croissantes, la dégradation de l’environnement, la déstabilisation du climat, l’incertitude économique et les menaces pour la santé humaine.
Donc, si le retour à la « normale » signifie le retour au businness-as-usual, ce pourrait être un « suicide de masse », en raison de notre non-choix. Ce sera différent si nous repensons nos habitudes (par exemple, la consommation de nourriture ou celle de biens non essentiels) et les modèles économiques qui pointent aujourd’hui vers une croissance économique infinie sur une planète où les ressources sont limitées, une planète où nous assistons à une croissance démographique exponentielle, au détriment d’autres espèces, des écosystèmes et des conditions de vie de nombreux êtres humains. La récente suspension des lois environnementales aux États-Unis, de ce point de vue, est déjà un signe terrifiant de ce que signifie revenir à la « normale » pour une partie de l’establishment américain et de la manière dont le Coronavirus aura été l’occasion de passer l’éponge sur ces préoccupations.
Une autre analogie non négligeable entre le Coronavirus et la crise environnementale est que les deux nécessitent d’être guidés par la science et de protéger les plus vulnérables. Certains impacts sur la santé humaine sont clairement liés au changement climatique. C’est le cas de la fréquence croissante des événements météorologiques extrêmes ou de la propagation de maladies telles que le paludisme, dont les effets sont beaucoup plus dévastateurs dans les pays où les systèmes de santé publique font le plus défaut. Ce n’est pas un hasard si la plupart des situations les plus dramatiques pour la santé humaine se produisent dans des pays pauvres où se faire soigner est payant et où les gens n’en ont pas les moyens. Les pays riches dotés de systèmes de santé publique plus équitables se défendent mieux des épidémies et des conséquences du changement climatique. Pensez par exemple à Haïti, où les conséquences de l’ouragan Matthew en 2016 auraient certainement été mieux tamponnées s’il y avait eu un système de santé publique et social adéquats. Il en va de même pour de nombreux phénomènes épidémiques.
Un autre lien qui semble émerger des données est la corrélation (attention, nous ne parlons pas de cause-effet) entre l’incidence des dommages causés par le Coronavirus et la pollution de l’environnement, souvent associée à des conditions de forte urbanisation et d’industrialisation, donc de fortes densités de personnes exposées à de multiples facteurs de risque et plus vulnérables aux agents pathogènes qui affectent particulièrement le système respiratoire.
En outre, il ne faut pas oublier que nos habitudes de vie, la croissance démographique et les modèles de développement actuels épuisent les ressources de la planète, dégradent la capacité naturelle de la nature à s’auto-équilibrer, perturbent les cycles écologiques et biogéochimiques (par exemple la déforestation entraîne une moindre absorption de CO2 par les forêts) et introduisent de grandes quantités de déchets et de polluants dans l’environnement (par exemple le CO2 des combustibles fossiles introduit dans l’atmosphère). Cela provoque les bouleversements climatiques dont nous sommes déjà témoins. La même logique peut être appliquée au Coronavirus et à de nombreux autres agents pathogènes provoquant des épidémies-pandémies. Le besoin de plus de ressources alimentaires a incité les humains à envahir et détruire de nombreux habitats naturels pour créer des surfaces destinées à l’agriculture et à l’élevage intensifs et industriels. En particulier, cela a exposé les animaux d’élevage, puis les humains, à des agents pathogènes jusque-là inconnus. Le développement de l’élevage industriel a créé les conditions parfaites pour l’émergence de nouvelles maladies (telles que l’hépatite E ou le virus Nipah), pour l’augmentation des infections résistantes aux antibiotiques, ruinant au même temps les petits éleveurs locaux. On estime que trois nouvelles maladies infectieuses sur quatre proviennent du contact humain-animal. Les épidémies d’Ebola et d’autres coronavirus ont été déclenchées par un saut de l’animal à l’homme. Dans le cas du Coronavirus, on soupçonne que le virus a été transmis à l’homme dans un « wet market » à Wuhan, où on vendait des animaux sauvages vivants qui étaient en contact étroit avec des animaux d’élevage vivants. Pour d’autres agents viraux, il a été émis l’hypothèse que certaines espèces d’animaux sauvages, privées de leur environnement naturel détruit pour créer des aires d’élevage et de pâturage, se sont glissées dans les élevages, entrant ainsi en contact avec les animaux élevés. Cette étape est considérée comme préparatoire à l’apparition et à la propagation de nouvelles zoonoses, c’est-à-dire de nouvelles pathologies transmises par l’animal à l’homme. De ce point de vue, la pandémie en cours est aussi le produit de nos modèles de développement, de production et de consommation.
Que faire et ne pas faire dans la perspective du post-Coronavirus : à la recherche d’une « nouvelle normalité plus durable »
Maintenant et après la crise du Coronavirus, il ne serait pas utile de s’épuiser à trouver « un » coupable. Trouver « quelqu’un » à blâmer n’aidera pas à identifier les véritables responsabilités et causes. Il serait certainement plus facile d’accepter qu’une erreur technique, peut-être celle d’un individu, a déterminé la crise actuelle plutôt que d’accepter que ce soit notre mode de vie et nos politiques économiques qui ont déclenché ce qui nous investit aujourd’hui, qu’il s’agisse de virus ou de bouleversements climatiques. Sans nous remettre sérieusement en question, cependant, nous ne trouverons pas d’issue. Le confinement auquel nous nous sommes inclinés n’a fait que geler la « normalité » de notre inertie et de nos habitudes. Cela n’a donc aucun sens d’aspirer à revenir à la « normale » alors que ce qui était « normal » hier nous a conduit aux crises que nous connaissons aujourd’hui. Essayer de résoudre des problèmes en proposant de nouveau ce qui les a causés est illogique sinon stupide.
Essayons alors de voir ce qui peut être changé en ce qui concerne la « normalité » pré-coronavirus, à l’échelle des citoyens individuels, des entreprises, des gouvernements des États ou des multi-États (par exemple, l’Europe) à l’échelle mondiale.
Un point crucial à considérer est, par exemple, l’usage du territoire sur terre et en mer, ainsi que celle des ressources vivantes et non vivantes dont nous avons besoin. Il est primordial de préserver les espaces naturels et ruraux, trop souvent sacrifiés pour créer de nouveaux espaces industriels ou urbanisés. En Principauté de Monaco, par exemple, la population résidente se nourrit et dépend donc presque totalement de ce qui est produit (cultivé, élevé, pêché) ailleurs, puisque toute ou presque de la surface disponible (à terre et le long de la côte) est construite. Il en va de même pour la Plaine du Var à Nice, qui était autrefois la zone la plus productive de « vraies choses, celles qu’on mange incluses ». Construire et bétonner au-delà d’une limite donnée n’est pas écologique et ne devient pas écologique en y ajoutant le suffixe « –eco ». Différemment, réaménager des zones urbaines ou suburbaines en y ajoutant des zones vertes (comme la Coulée Verte) et productives (comme las potagers partagés), en créant des Recycleries (un projet innovant et exemplaire pour de nombreuses autres villes) ou en créant des magasins comme Le Gout de Nice (pour soutenir la production locale) sont des initiatives louables et bien plus cohérentes avec les objectifs de durabilité sur lesquels Nice a fortement investi.
La destruction des espaces naturels et ruraux, d’autre part, conduit à l’extinction de catégories telles que les agriculteurs, les pêcheurs et les éleveurs « locaux » (et des leurs connaissances transmises depuis des générations), et à déléguer à d’autres, ailleurs (la Chine est l’usine du monde, y compris pour la nourriture), la production de biens essentiels, y compris les ressources alimentaires. Imaginez s’il y avait une pénurie de nourriture au lieu d’une pénurie de masques. Ceux qui vivent dans les grandes villes et dans certains États privés d’aires productives paieraient alors une lourde facture. Il n’est pas clairvoyant de dépendre des autres pour des secteurs vitaux, tels que l’alimentation et la santé. C’est pourquoi nous devons notamment réévaluer les activités de production locale. Cela permettrait de ne pas briser l’économie, mais de la relancer localement en déterminant une répartition plus équitable des richesses produites. Soit dit en passant : N’est-il pas curieux, sinon grotesque, que l’homme se prépare à aller sur Mars, ait rempli le ciel de satellites, développé la technologie 5G, se soit équipé d’armements capables de détruire la planète des centaines de fois pour ensuite être à genoux (y compris les grandes puissances du monde) faute de « petits rabats de tissu cousus à un élastique » ?
Malgré la crise qui suivra la pandémie, nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner l’indispensable transition écologique. Il faut aider les entreprises à se relever en s’orientant vers la durabilité, avec ses composantes sociales, économiques et environnementales. La décarbonisation, les sources d’énergie renouvelables et plus propres, l’efficacité énergétique, le raccourcissement des chaînes de production et d’approvisionnement, l’économie circulaire et la résilience doivent rester des priorités. Dans cette perspective, il serait impardonnable et myope de ne financer à l’avenir que la recherche sur les vaccins et les traitements, en oubliant l’environnement, le changement climatique et la durabilité. Le rétablissement ne peut avoir lieu sans impliquer les acteurs de l’écologie dans la discussion. Ce ne sont pas les écologistes-activistes, mais ceux qui sont scientifiquement impliqués dans l’éco-logie, mot qui a la même racine que éco-nomie, les deux disciplines cherchant à comprendre comment gérer au mieux notre grande « maison » (oikos en grec signifie exactement cela) et, par extension, notre planète, ainsi que les ressources dont nous avons absolument besoin.
Nous devons également examiner attentivement l’opportunité de changer nos habitudes de voyage et de travail. Utiliser la vidéoconférence en réduisant les voyages de travail est une alternative possible dans certains cas. La transformation numérique (par exemple pour l’achat et la vente, le marketing, les procédures de gestion) est compatible avec le travail à domicile, ce qui pourrait à l’avenir réduire la destruction excessive de territoire naturel ou rural pour construire d’énormes centres d’affaires, tout en décongestionnant les villes du trafic et en diminuant la pollution atmosphérique. Le confinement a également permis de redécouvrir combien il est parfois bénéfique de « ralentir », de vivre le quotidien à une échelle plus locale, d’acheter plus près de chez soi ou auprès de producteurs locaux et de limiter la consommation à ce qui est vraiment nécessaire.
Compte tenu des similitudes et des liens, à tous les niveaux (individus, société civile, entreprises et gouvernements), la crise du Coronavirus devrait être l’occasion de faire prendre conscience des effets beaucoup plus nocifs et durables d’une crise environnementale et climatique. Les crises en cours devraient inciter les gouvernements à créer de nouveaux profils d’emploi au service de nouveaux modèles de développement plus durables, au cœur desquels se trouveraient l’environnement, la santé humaine, les soins aux personnes âgées, l’éducation, la sécurité et l’autonomie alimentaire, réorientant les dépenses publiques vers des objectifs autres que la croissance économique illimitée et le PIB. Ou du moins en associant au PIB d’autres indicateurs qui prennent en compte non seulement les mouvements d’argent, mais aussi le niveau de bien-être, la qualité de l’environnement, la santé, la recherche et l’éducation publiques. Autrement dit, tout cela signifierait repenser de nouveaux modèles de développement et une transition vers une décroissance durable. Pas mal d’acteurs (les grandes puissances économiques, les grandes entreprises) n’ont aucun intérêt à cela. Beaucoup de gens ont peur de perdre ce qu’ils ont. Pour cette raison, le soutien politique et social à la décroissance durable n’a pas été suffisamment ample jusqu’à présent. Peut-être que les crises en cours montreront que la consommation en tant que fin en soi et le bien-être ne sont pas si inextricablement liés.
En conclusion, ignorer les liens entre l’urgence sanitaire et l’urgence climatique serait catastrophique. Cette pandémie nous offre une occasion (bien que douloureuse) de repenser nos systèmes sociaux et économiques en fonction de ce qui compte vraiment. De telles crises offrent l’occasion de redécouvrir un sentiment d’humanité partagée, d’empathie et d’appartenance planétaire (y compris aussi vis à vis des autres espèces vivantes). Les gens réalisent ce qui compte le plus : la santé et la sécurité de nos proches et, par extension, la santé et la sécurité de leur communauté, de leurs pays et de leurs concitoyens du monde, ainsi que la santé de la planète en général, avec les autres espèces et écosystèmes vivants dont elles font partie. Après tout, c’est ce qui nous intéresse vraiment, nous le comprenons en ce moment et c’est ce que menace le coronavirus, au même titre que le changement climatique. Parce que la santé des personnes et la santé de la planète sont inextricablement liées, les écosystèmes naturels étant les éléments essentiels du soutien à la vie sur la planète (y compris la nôtre). Ni les pandémies ni les risques environnementaux ne peuvent être traités sans coopération et partage mondiaux. Pour cette raison, si nous ne voulons pas faire face à d’autres catastrophes, nous ne devons pas souhaiter un retour à la « normale » pré-coronavirus, mais exiger que les objectifs mondiaux changent, de la croissance économique à tout prix au bien-être de tous, humains et autres espèces, en vue d’une « santé planétaire ».
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