Interview d'Yvon Berland : l'impact du projet de loi Santé sur les universités
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Interview d'Yvon Berland : l'impact du projet de loi Santé sur les universités

France Universités : date de publication

    Le 14 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Yvon Berland, président d’Aix-Marseille Université et président de la commission des questions de santé à la CPU, revient pour ce site sur les changements que pourraient apporter ce texte pour les Universités, responsables de la formation initiale de nombreuses professions médicales.

    CPU : La CPU défend l’inscription dans la loi santé du développement de « pratiques avancées » pour les professionnels paramédicaux. En quoi cela consiste-t-il ? Et pour quelles avancées ?

    Yvon Berland : Les défis de l’organisation des soins pour demain sont bien identifiés. La complexité des situations et l’exigence d’un travail plus étroit entre les différents professionnels pour assurer la meilleure qualité de prise en charge sont des priorités. Il est nécessaire que notre système de santé offre une réponse graduée de l’offre de soins en identifiant les métiers socles (infirmiers par exemple), les métiers intermédiaires de pratiques avancées avec une véritable autonomie et enfin les métiers médicaux.
    Pour certaines maladies, comme le cancer, médecins et malades pourraient bénéficier de l’appui de professionnels spécialisés. C’est le sens de la proposition du plan cancer III dont l’objectif est de créer le nouveau métier d’infirmier clinicien. Il s’agit de donner à ce dernier le droit de formuler un diagnostic d’établir une prescription, et de participer à des activités de prévention dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire.
    Le projet de loi permettra aussi de définir les pratiques avancées des professionnels de santé paramédicaux. Ces dernières s’intéresseront à tous les métiers socles et donneront de nouvelles perspectives de carrière aux professionnels paramédicaux. Les Universités seront le lieu de formation de ces métiers.

    Dans quelle mesure le projet de loi renforce-t-il le rôle des services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) ?

    Y. B : La CPU a soutenu un amendement visant à reconnaître dans le Code de l’éducation la place particulière des SUMPPS. Par un article additionnel au projet de loi, l’amendement complète la partie du Code de l’éducation consacrée aux SUMPPS (article L. 831-1) en inscrivant dans la loi le principe selon lequel les SUMPPS constitués en centres de santé et par conséquent autorisés à délivrer des soins, concourent à l’accès aux soins de premier recours, notamment des étudiants :

    « Lorsqu’ils sont autorisés à dispenser des soins en tant que centres de santé au sens de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, il contribuent à l’accès aux soins de premier recours, notamment des étudiants de l’établissement auquel ils sont rattachés. »

    Jusqu’à présent la loi reconnaît les SUMPPS en tant que services de médecine préventive au même titre que la médecine scolaire et la médecine du travail. Or, les SUMPPS, notamment lorsqu’ils sont constitués en centre de santé, accomplissent des missions beaucoup plus larges que la seule prévention et la promotion de la santé : ils conduisent des enquêtes épidémiologiques et contribuent ainsi à la recherche en santé, ils délivrent des soins lorsqu’ils y sont autorisés, et ce dans des conditions facilitant l’accès à la santé (tiers payant, tarifs conventionnés). Alors que le projet de loi fait de l’accès aux soins de premier recours une de ses grandes priorités, il convenait dans ce cadre de reconnaître le concours des SUMPPS à cette dimension de l’accès à la santé, notamment des jeunes.

    La CPU souhaite accentuer le rôle des universités dans la formation continue des professions médicales. Pourquoi la reconnaissance du rôle de l’université dans le développement professionnel continu (DPC) est-elle importante ?

    Y. B : Le projet de loi initial contenait un article consacré au DPC (article 28) censé tirer les conséquences des critiques émises par l’IGAS dans son rapport sur le DPC, notamment s’agissant de l’absence de transparence et d’indépendance de l’OGDPC (Organisme gestionnaire du développement professionnel continu). Une des conclusions de l’IGAS dans son rapport publié à l’automne 2014 était un rapprochement entre les universités et l’OGDPC.
    La CPU a proposé deux amendements visant à inscrire dans la loi une consultation des représentants des universités par l’OGDPC d’une part, et à permettre aux universités de délivrer des formations dans le cadre du DPC, au même titre que les autres opérateurs de formation.
    Le gouvernement n’a pas conservé la rédaction de l’article 28 issue de la version initiale du projet de loi. Il a décidé, en séance publique, de présenter un amendement réécrivant l’article dans son ensemble. Par conséquent, les amendements proposés par la CPU comme tous les amendements à l’article 28 sont tombés.
    La nouvelle rédaction du projet de loi reconnaît le rôle des universités :

    « Art. L. 4021-4. – L’université participe, par son expertise pédagogique dans le domaine de la formation initiale et continue des professionnels de santé, à la dimension scientifique du développement professionnel continu. »

    Cette rédaction, quelque peu vague et alambiquée, doit être revue lors de la discussion au Sénat pour mieux affirmer le rôle de l’université.
    Par ailleurs, la nouvelle rédaction de l’article 28 remplace l’OGDPC par une Agence Nationale du DPC. Lors de la première lecture au Sénat, il conviendra d’intégrer les universités à la gouvernance de cette nouvelle agence.

    La CPU préconise une simplification des activités des fondations hospitalières dédiées à la recherche en santé. Quelle forme celle-ci devrait-elle prendre ?

    Y. B : La CPU a fait émerger dans les débats de l’Assemblée Nationale la question du rôle des fondations hospitalières dont la création a été rendue possible par la loi HPST. La loi autorise donc les fondations hospitalières à faire de la recherche. Or, c’est d’abord une des missions de l’Université. Il appartient donc au législateur de réaffirmer ce principe et de soumettre les activités de recherche de ses fondations à l’avis et/ou l’autorisation préalable des universités qui en sont membres.

    Vous êtes président de la commission santé à la CPU : quels sont les grands chantiers en cours et à venir ?

    Y. B : J’en vois actuellement quatre :
    – la réforme des 3es cycles des études médicales
    – la mise en place des ECNi, qui permettent de passer les épreuves d’examen sur des tablettes numériques
    – l’universitarisation des études paramédicales
    – la mise en place de formations pour les pratiques avancées.

    Lire l’article « Projet de loi santé : la CPU alimente le débat parlementaire » sur ce site

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