Le solaire investit les villes

France Universités : date de publication

    Pour produire de l’électricité renouvelable au plus près de sa consommation, il faut valoriser le gisement solaire en ville, jusqu’à présent pas ou peu exploité. Cela crée de nouveaux défis scientifiques, techniques et architecturaux passionnants.

    Lorsqu’on pense énergie solaire, on imagine souvent de grandes centrales photovoltaïques au milieu de champs ou sur d’énormes hangars. Ces centrales sont efficaces, mais ont un défaut majeur : elles produisent de l’électricité loin des zones de consommation. Intégrer le solaire au cœur des villes : tel est l’objectif de Christophe Ménézo, directeur de la Fédération de recherche sur l’énergie solaire (FédEsol) et chercheur à l’université Savoie-Mont Blanc, université co-fondatrice de l’INES (Institut National de l’Energie Solaire) avec le CEA, le CNRS et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). « Nous travaillons sur les tuiles solaires, mais également sur les composants solaires à intégrer en façade afin de valoriser les surfaces verticales, indique le chercheur. En effet, en milieu urbain, il y a peu de toitures proportionnellement aux façades, il faut utiliser d’autres surfaces ensoleillées. » Si les toitures produisent davantage en été, les façades sont plus efficaces en hiver, lorsque la course du soleil est plus basse.

    Le photovoltaïque (PV) intégré en façade se sert des mêmes technologies utilisées actuellement en toiture, essentiellement des panneaux en silicium cristallin. Cependant, l’utilisation en façade oblige à travailler davantage l’aspect esthétique : couleur, degré de semi-transparence, densité des cellules photovoltaïques… Les architectes apprennent à jouer avec ces matériaux très élégants.

    Mais l’énergie solaire, ce n’est pas que l’électricité. C’est aussi le solaire thermique, qui permet de chauffer l’eau de nos douches et de nos radiateurs. Or, il est possible de combiner le photovoltaïque et le solaire thermique (T) : c’est le solaire hybride PVT. « Les meilleurs panneaux photovoltaïques disponibles commercialement ont des rendements de 20 %, observe Christophe Ménézo. La  fonctionnalité thermique vise à valoriser les 80 % d’énergie solaire incidente restante. » Mais les panneaux photovoltaïques sont moins efficaces lorsque leur température augmente, il faut donc produire de la chaleur à basse température, que l’on peut coupler avec des pompes à chaleur par exemple.

    D’autres dispositifs ingénieux peuvent être imaginés, par exemple l’adjonction d’une lame d’air entre la façade solaire et l’enveloppe du bâtiment constituant ainsi une « double-peau » se rapprochant alors d’une cheminée solaire. En effet, sous l’effet de la chaleur : l’air de la double-peau s’élève ce qui génère un écoulement de ventilation naturelle dénommé effet cheminée ou thermosiphon. Cet effet cheminée permet à la fois de refroidir le bâtiment mais surtout les panneaux photovoltaïques. En hiver, on peut faire en sorte de neutraliser cette ventilation naturelle afin que la lame d’air devienne isolante pour le bâtiment ou récupérer la chaleur pour les besoins du bâtiment.

    Par ailleurs, nous avons vu que les panneaux photovoltaïques étaient moins efficaces lorsqu’ils s’échauffent. Or, en ville, les bâtiments rayonnent, il existe des îlots de chaleur, jusqu’à 4 à 5 °C supplémentaires, qui sont préjudiciables à la production d’électricité solaire. Pour mieux connaître cette variabilité, Christophe Ménézo et son équipe mettent au point des « cadastres solaires », véritables cartographies du potentiel de production solaire photovoltaïque et thermique pour chaque bâtiment (toiture et façade) à l’échelle d’un territoire urbain. Celui du Grand Genève concerne une superficie de 2000 km2 considérant les toitures et les verticalités. Il  fait l’objet d’un projet Interreg Franco-Suisse qui a démarré en janvier.

    « En cliquant sur un bâtiment, on connaît son irradiation solaire moyenne, aussi bien en toiture qu’en façade, et la variabilité de cette irradiation au cours de l’année, explique le chercheur. Nous avons aussi conçu un modèle simplifié de climat local dépendant notamment de selon la morphologie du quartier, en intégrant les effets thermiques entre les immeubles. » Ces cadastres solaires peuvent aussi prendre en compte les salissures des panneaux, la baisse d’irradiation due à la pollution… Une thèse est actuellement en cours en collaboration avec un bureau d’études pour transposer cet outil à d’autres villes. Afin que le solaire rayonne enfin en milieu urbain.

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