Entretien avec Jean-Richard Cytermann : Oui à plus d’autonomie mais « en respectant la différenciation des établissements »
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Entretien avec Jean-Richard Cytermann : Oui à plus d’autonomie mais « en respectant la différenciation des établissements »

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    Invité à débatte lors du regard croisé « Quels leviers pour une véritable autonomie » du colloque 2019 de la CPU qui se tient actuellement, Jean-Richard Cytermann, chef de l’Igaenr, revient pour le site de la CPU sur 10 ans d’autonomie. Si pour lui, les apports sont indéniables, il relève un certain nombre de freins et donne des pistes pour surmonter ces derniers.

    CPU : Quel bilan faites-vous de la situation actuelle des universités en termes d’autonomie ?

    Jean-Richard Cytermann : Les réformes des quinze dernières années (LMD, loi LRU, loi ORE)  ont incontestablement accru l’autonomie des universités en matière de gestion budgétaire, de gestion des ressources humaines et de construction de l’offre de formation. Les universités sont devenues par ailleurs, pour la plupart, de véritables opérateurs de recherche. Il s’agit cependant d’une autonomie qui s’inscrit dans le contexte français et chaque étape nouvelle dans l’autonomie des universités s’est accompagnée d’un mécanisme de régulation par l’Etat. Ce principe d’autonomie régulée doit être conservé. Il permet par exemple à l’Etat de veiller à ce que, partout sur le territoire, une offre de formation de qualité puisse être proposée. Et cela est précieux.  Il n’est donc pas question aujourd’hui de bouleverser le système, mais de le faire évoluer vers plus d’autonomie encore.

    Quels sont les freins en matière d’autonomie ? 

    Je mettrais en lumière trois freins :

    – La gestion des ressources humaines d’abord. Nous sommes encore dans un système où les responsabilités d’employeur sont partagées entre l’Etat et les universités. Les compétences des universités sont par exemple bridées par le rôle du Conseil national des universités (CNU) en matière de qualification des enseignants-chercheurs et par l’absence de déconcentration dans la gestion des personnels BIATTS et des agrégés,  l’Université n’ayant que très peu de rôle à jouer dans la gestion de leur carrière. 

    – La gouvernance des universités, ensuite. Le système impose,  depuis 1984, un cadre tatillon et uniforme aux universités qui, quels que soient leurs besoins, sont tenues de respecter les mêmes contraintes. Seules certaines catégories d’établissements d’enseignement supérieur bénéficient de  dérogations à ce cadre. Les possibilités offertes de créer des établissements expérimentaux vont permettre de contourner cette difficulté mais au prix d’un dispositif expérimental contraignant. 

    Reste enfin également la question non réglée de l’harmonie entre l’Université et ses composantes. 

    Le modèle économique et financier des établisssements, enfin : celui-ci est mis en difficulté par l’augmentation régulière du nombre d’étudiants accueillis, le poids croissant de la masse salariale, l’insuffisance du financement des investissements et l’absence de dynamique des ressources propres.

    Il me semble également que toutes les universités ne s’emparent pas avec la même détermination des possibilités offertes par les lois sur l’autonomie, telle la possibilité de recruter des contractuels. 

    Quels leviers pourraient être actionnés pour redonner du souffle à l’autonomie ?  

    Je suis persuadé que pour aller plus loin dans l’autonomie des universités, il faut  passer par un recours à l’expérimentation et une acceptation de la différenciation des établissements. Toutes les universités n’ont pas la même histoire, la même tradition, les mêmes contraintes ou la même activité. Elles ont des degrés de maturation différents dans leur réflexion stratégique.

    A côté de ces grands principes, j’ajouterais un certain nombre de pistes : 

    • donner aux universités un rôle plus important dans la gestion de la carrière de leurs personnels tout en gardant des corps nationaux ;
    • expérimenter un dispositif de dispense de qualification pour les universités qui le souhaitent et dont la qualité des processus de recrutement serait attestée (à travers par exemple un label européen ou une évaluation du HCERES) ;
    • donner aux universités par déconcentration la possibilité de promouvoir leurs personnels ;
    • bâtir un véritable régime indemnitaire pour les personnels ;
    • aller plus loin dans la procédure d’accréditation des diplômes, le HCERES devenant une véritable agence d’accréditation ;
    • poursuivre le mouvement engagé de dévolution de leur patrimoine immobilier aux universités.

    Je pense enfin qu’il faut laisser aux universités une grande liberté statutaire avec, comme pour les  grands établissements, l’obligation du respect des principes d’autonomie et de démocratie.

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