Les levures révèlent dans le vin les arômes cachés du raisin
Des chercheurs bordelais ont réussi à mieux comprendre comment les arômes caractéristiques de certains cépages sont formés grâce aux levures, au cours de la fermentation du jus de raisin. Leurs travaux sont aujourd’hui utiles pour les vinificateurs.
Si le vin est si agréable à déguster, c’est grâce à certains micro-organismes qui transforment le sucre du raisin en alcool, mais surtout à certaines molécules aromatiques responsables de leur goût incomparable. Ces micro-organismes sont des levures, de la même espèce que celles qui font fermenter le pain ou la bière, au doux nom de Saccharomyces cerevisiae. Ces levures peuvent être présentes naturellement, ou être sélectionnées et incorporées au raisin lors de la vinification.
« En étudiant les vins blancs de cépage Sauvignon, nous avons observé que les composés responsables des arômes d’agrume, de pêche ou de rhubarbe étaient des molécules contenant des atomes de soufre, présentes à l’état de traces dans le vin, explique Philippe Darriet, directeur de l’unité de recherche en œnologie à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) à l’Université de Bordeaux. Notre découverte la plus étonnante a été que ces molécules proviennent de formes inodores dans le raisin qui modifiées par la fermentation » Les micro-organismes agissent donc comme de véritables révélateurs d’arômes cachés dans le fruit.
Comment mettre à profit cette connaissance pour améliorer les vins ? « Selon les souches de levure présentes lors de la vinification, cette révélation aromatique est plus ou moins importante, souligne le chercheur. D’où l’idée de sélectionner les souches ayant la meilleure aptitude à révéler. Mais les recherches ne se sont pas arrêtées là : les scientifiques se sont aussi intéressés au mécanisme de révélation. Ils ont notamment identifié un gène chez la levure responsable de cette transformation.
Etonnamment, les chercheurs se sont aperçus que ce gène est moins efficace lorsque le jus de raisin est riche en nutriments azotés (acides aminés, peptides). Le développement des arômes est donc limité dans ces situations. Pour éviter cet inconvénient, les chercheurs ont provoqué des croisements sexués entre différentes souches de levures, puis sélectionné les plus efficaces. Et ça marche : ils sont parvenus à produire une souche de levure capable de transformer les molécules soufrées à l’origine des arômes, même lorsque les nutriments azotés sont abondants dans les jus de raisin.
Cette souche est aujourd’hui commercialisée par Biolaffort, une PME bordelaise qui collabore depuis plus de 30 ans avec l’ISVV. « Leurs chercheurs travaillent dans nos laboratoire, nous publions ensemble », indique Philippe Darriet. C’est à la fois une belle réussite scientifique, et un résultat utilisable par les vignerons. »
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