Une base de données pour aider les universités à construire leur défense juridique : l’éclairage d’Emmanuel Roux
Présentée à l’ensemble des présidents d’université lors de la séance plénière de la CPU du 20 octobre dernier, la base de données Jurisup est née d’un travail commun entre l’association Jurisup, la commission juridique de la CPU et l’Agence de mutualisation des universités et des établissements (Amue). Devant la montée en puissance des contentieux universitaires relatifs à la scolarité des étudiants ou à la carrière des agents, il est apparu nécessaire de doter les établissements d’un outil leur donnant accès aux jurisprudences existantes et ce, afin de les aider dans la préparation de leur défense. Emmanuel Roux, président de l’université de Nîmes et président de la commission juridique de la CPU revient sur le fonctionnement et la valeur ajoutée de cette précieuse base, tout en mettant en lumière l’importance de l’existence de services juridiques solides au sein des universités.
CPU : Quelle est la valeur ajoutée de la base de données Jurisup? A qui est-elle destinée ?
Emmanuel Roux : Lorsque j’ai été élu à la commission juridique de la CPU, il y a deux ans, nous avons constaté que les universités étaient confrontées à une montée importante des contentieux, auxquels elles n’avaient pas toujours les moyens de faire face. Par exemple, elles n’avaient pas accès aux décisions de jurisprudence émanant de jugements rendus antérieurement dans les autres universités Or, toutes les universités sont confrontées à des contentieux aux thématiques plus ou moins semblables : scolarité des étudiants (recours formés contre les jurys d’examen, règlement d’examen, note éliminatoire…) ou politique de ressources humaines (recrutement, sanctions disciplinaires, mutations, rapprochement de conjoint, augmentation des primes…). Il nous semblait opportun de mettre en place un projet de récolte des jurisprudences pour aider les services juridiques des universités dans la construction de leur défense.
La collaboration entre le réseau des responsables juridiques des établissements d’enseignement supérieur et de recherche (Jurisup) et la CPU s’est révélée très fructueuse car complémentaire : la CPU était indispensable pour expliquer aux présidents d’université le bien-fondé de cette base et les amener à participer au fonds commun. Quant à Jurisup, c’était le réseau qui, sur place, permettait de récolter les jurisprudences. Notons à ce sujet que dans les universités, la plupart des directeurs des affaires juridiques est membre de Jurisup.
L’Amue a ensuite permis la mise en place opérationnelle de la base. Sur un plan pratique, l’accès est limité aux chefs d’établissement, aux directeurs généraux des services et aux directeurs des Affaires juridiques. Lorsque leur université est attaquée, ces derniers peuvent regarder, grâce à un système de mot clé, si d’autres universités ont connu des contentieux identiques ou très proches : ils peuvent ainsi trouver la jurisprudence qui les aidera à régler la question de droit qu’ils se posent.
Pour le moment la base « scolarité » est bien renseignée. On travaille en ce moment à la base « Ressources humaines » qui n’est pas encore complète, mais qui monte en puissance.
A quels besoins spécifiques des universités répond-elle ?
La base répond à un triple objectif :
– un besoin de recherche jurisprudentielle ;
– une volonté de gagner du temps : les universités ne font pas toujours appel à un cabinet d’avocat et il était important qu’elles aient les moyens de se défendre seules ;
– une mutualisation de la réflexion au niveau national autour de contentieux qui, comme on l’on dit, sont souvent les mêmes.
La base sera particulièrement utile aux universités de taille plus petite. On observe en effet des disparités importantes entre les « grosses » universités qui ont un service juridique conséquent et qui ont donc les moyens de faire des recherches juridiques poussées et les universités « petites » qui pourront trouver dans cette base une aide précieuse.
On observe une montée de contentieux au sein des universités ces dernières années ? Comment expliquer cela ? Comment y remédier ?
Cette augmentation est réelle depuis une dizaine d’années et le recours au juge devient de plus en plus systématique, notamment pour la sélection en Master, la plateforme APB, les jurys d’examen, les procédures de validation d’acquis de l’expérience (VAE) ou de validation d’acquis professionnels (VAP), les contentieux relatifs aux ressources humaines… Les cas de harcèlement arrivent aussi de plus en plus souvent devant le juge administratif. Par ailleurs, en donnant aux universités la liberté de recruter elle-même ses agents, la loi relative aux libertés et responsabilités de 2007 rend les universités responsables juridiquement.
A noter : le phénomène de saisine systémique du juge n’est pas propre à l’université : c’est une tendance de la société.
Aujourd’hui, pour se protéger et prévenir le contentieux, les universités doivent monter en puissance dans l’acquisition de compétences juridiques, vérifier toujours plus leurs procédures internes, avoir des outils de contrôle pointus, une veille juridique optimum car le droit évolue très rapidement, y compris pour les universités. La professionnalisation est l’un des moyens d’éviter le recours au juge. Pendant longtemps les questions juridiques n’étaient pas prioritaires dans les universités. Aujourd’hui la prise de conscience du renforcement du service juridique est en marche.
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