Une étude sur les conséquences psychologiques du confinement
Regards croisés de chercheurs sur le Covid-19 : psychologie du confinement. Anne Giersch, psychiatre et directrice de recherche de l’unité Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie, a lancé un appel à témoignages sur les effets du confinement.
« Tout s’est fait vraiment très vite », raconte Anne Giersch, « j’avais un sentiment d’urgence très fort : il ne fallait pas rater les premiers instants du confinement français. » C’est arrivée chez elle, après avoir fermé son laboratoire, que la chercheuse ressent l’importance de la situation. Elle se souvient n’avoir pas été triste, ou anxieuse, mais reconnaît avoir vécu un « moment émotionnellement chargé. » Immédiatement, elle commence à écrire sur le sujet et reçoit dans la foulée un mail d’une collègue de Nashville, aux Etats-Unis, sur le même sujet. La chercheuse américaine lui transfère un questionnaire sur les conséquences du confinement, une aubaine pour Anne Giersch, qui veut démarrer au plus tôt.
En explorant la littérature scientifique, la psychiatre réalise vite qu’il existe déjà des articles sur la question. Une équipe de chercheurs du King’s College (Royaume-Uni) a passé en revue 24 études détaillant les effets psychologiques de la mise en quarantaine. Ces travaux ont été réalisés dans une dizaine de pays lors des précédentes épidémies. Les résultats varient selon les modalités, notamment la durée du confinement et la connaissance d’une date de fin par le public. Mais d’une manière générale les conclusions montrent une récurrence de symptômes de stress post-traumatique, de dépression, de colère, de peur, d’abus de médicaments, mais surtout une baisse du moral généralisée.
Deux cent personnes recrutées en huit jours
Avec l’approbation du comité d’éthique de l’Université de Strasbourg, Anne Giersch met au point un protocole. Avec l’aide de plusieurs collègues, elle traduit et adapte le questionnaire américain, dont toutes les questions ne sont pas forcément appropriées. « Aux Etats-Unis, ils s’interrogent beaucoup sur la religion, ce que nous ne pouvons pas faire en France. », explique-t-elle. Grâce à des collègues de son laboratoire, dont certains ont déjà une expertise d’analyse de la narration, elle finalise les modalités de l’étude. Les participants auront trois questionnaires assez longs à remplir : le premier à propos de la période d’avant le confinement, le second pendant et le dernier un mois après la fin des mesures. « Nous savons qu’il peut y avoir des effets à long terme », explique Anne Giersch. En plus de ces questionnaires, les participants sont appelés à écrire un compte-rendu de chaque journée passée en confinement. Une fois ces modalités mises en place, l’étude peut être lancée.
Le temps du recrutement arrive très vite, avec plusieurs contraintes importantes. Les personnes doivent maîtriser le français, de préférence leur langue maternelle, et être prêts à s’engager dans la durée. « Nous demandons un compte-rendu par jour, même s’il ne doit faire que quelques lignes, c’est déjà un biais de recrutement important », reconnaît la chercheuse, qui espère qu’il y aura peu de décrochages.
Des résultats de recherche en deux temps
Si les participants contribuent de manière régulière, nous aurons environ 3000 textes », calcule Anne Giersch. Le nombre important de données va emmener les chercheurs à procéder à plusieurs niveaux d’analyse. Dans un premier temps, l’équipe, accompagnée de linguistes, va pouvoir mettre en place des mesures automatisées. « Quelques mois après la fin de l’étude, nous devrions être en mesure de produire les premiers résultats », espère t’elle. Pour la suite, des analyses plus « qualitatives » sont prévues. Parce qu’elles nécessitent plus de temps et de ressources humaines, leur temporalité est plus difficile à calculer. Le tout sera également déterminé par la durée totale du confinement, un facteur pour le moment inconnu des participants et de l’équipe de recherche.
Léa Fizzala
Lire l’article sur le site de l’Université de Strasbourg