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Quand le plastique était adoré

France Universités : date de publication

    Aujourd’hui accusé de tous les maux, le plastique a pourtant été un matériau miracle de la seconde moitié du 20ème siècle : léger, peu coûteux, adaptable, chic… Mais notre addiction est loin d’être terminée, et l’éradication totale du plastique n’est pas souhaitable.

    « Le plastique c’est fantastique », chantait le groupe Elmer Food Beat en 1990. Et même si c’est difficile à croire, tant ce matériau est aujourd’hui décrié, le plastique a connu un engouement phénoménal au cours du 20ème siècle. Une histoire brève et intense, puisque l’invention du premier plastique synthétique, la bakélite, n’a eu lieu qu’en 1907. On la doit au chimiste belge Leo Baekeland, qui est également à l’origine du nom « plastique ».

    Trente glorieuses

    Ces matériaux sont d’abord restés anecdotiques. Ils ont par exemple remplacé l’ivoire dans les boules de billard. De nombreux plastiques sont inventés dans la première moitié du 20ème siècle : polychlorure de vinyle (PVC) en 1927, nylon et polystyrène en 1938, polyéthylène en 1942… Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que le plastique prend réellement son envol industriel. Le développement de technologies comme le thermomoulage permet de fabriquer rapidement et à bas coût de nombreux objets.

    Son développement est intimement lié aux « trente glorieuses », cette période de fort développement économique entre 1946 et 1975, où tout ce qui est moderne est porté aux nues. « Malgré ses noms de berger grec (Polystyrène, Phénoplaste, Polyvinyle, Polyéthylène), le plastique, dont on vient de concentrer les produits dans une exposition, est essentiellement une substance alchimique, écrivait ainsi le philosophe Roland Barthes dans son recueil Mythologies [1]. Sa fascination pour ce matériau se ressent dans les mots utilisés : opération magique de conversion de la matière, objet parfait, matière miraculeuse, l’homme mesure sa puissance…

    Matière noble

    Le plastique est alors une matière noble, prisé des designers – c’est la grande époque du formica – et des grands couturiers : Paco Rabanne et Courrège conçoivent des robes en plastique. C’est aussi un produit accessible à tous, grâce à la vente à domicile des Tupperware (1947), des Legos (en plastique à partir de 1952) des bouteilles d’eau (1968 en France, avec Vittel)… Entre 1950 et 1970, la production de plastique triple et atteint 25 millions de tonnes.

    Aujourd’hui encore, la production de plastique continue de croître. Le pic n’est attendu que pour 2025-2030 selon certains analystes, 2040 pour d’autres. Pourtant, l’histoire d’amour entre les humains et ce matériau a tourné court. De miracle, il est devenu en moins de deux décennies une calamité. Nous avons pris conscience du triple problème posé par les plastiques : son origine pétrolière non renouvelable, son impact sur le réchauffement climatique, et enfin sa récupération et son recyclage. « Les images de sacs plastiques dans les océans, de « 6ème continent » ont été dévastatrices », observe Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine, spécialiste des marchés des matières premières.

    Addiction au plastic

    Pourtant, nous aurions tort de rejeter aussi drastiquement le plastique que nous l’avons aimé inconditionnellement. Car il garde de nombreux avantages, à commencer par son poids, l’incroyable variété de ses utilisations (selon les cas, il remplace le bois, l’acier, le papier, le verre… bien plus coûteux, et pas toujours meilleurs pour l’environnement). « Nous sommes « addicts » au plastique, et la désaddiction sera longue, estime Philippe Chalmin. S’il est utile de limiter les usages jetables, comme les sacs, pailles ou vaisselle, d’autres objets ont encore toute leur place. »

    Au-delà de ses propres défauts, le plastique est surtout devenu le symbole d’une société inquiète. Plus visible que le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité, incarne les excès de la modernité. Son usage doit devenir plus raisonné et mieux contrôlé, car il est peu probable (et peu souhaitable) que nous puissions nous en passer totalement.

    [1] http://palimpsestes.fr/textes_philo/barthes/plastique.html

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