Tribune

« Les universités et grandes écoles doivent intégrer l’urgence climatique dans leur stratégie »

France Universités : date de publication

    Tribune. Le Monde 16 septembre 2019

    Je signe la Tribune pour un enseignement supérieur à la hauteur des enjeux écologiques

    Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, deux enjeux majeurs et étroitement liés, vont transformer nos sociétés. Les conclusions du rapport « 1,5 °C » du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et du dernier rapport de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sont sans appel : il faut agir maintenant. Pourtant, les engagements des pays dans le cadre de l’accord de Paris sont insuffisants pour permettre de limiter le réchauffement à 1,5 °C, et encore loin d’être respectés, notamment par la France, comme l’a récemment montré le rapport du Haut Conseil pour le climat. Or, il n’est pas trop tard, et une action immédiate peut encore infléchir la tendance.

    Nous, étudiantes et étudiants, personnels de l’enseignement supérieur, scientifiques, aux côtés des associations, des organisations et des lycéennes et lycéens engagés, lançons un appel pour que chacune et chacun à son niveau de responsabilité s’engage en faveur de la transformation massive, rapide et efficace de l’enseignement supérieur.

    Il faut encourager et accompagner les étudiantes et les étudiants à s’impliquer massivement dans les transformations écologiques, économiques et sociétales et permettre à chacun d’acquérir les capacités de réflexion et de compréhension de ces enjeux. Il est primordial que les jeunes générations acquièrent les savoirs et les compétences adaptés à une transformation globale et durable de la société.

    Ambition nationale

    Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont conscients de l’urgence climatique et veulent s’engager sur ces questions. Des universités et des écoles ont déjà intégré ces enjeux dans leur stratégie de fonctionnement et leurs missions, malgré des moyens souvent limités. Là où se concentre l’essentiel des forces de recherche de notre pays, le système d’allocation des moyens actuel met en très grande tension les établissements. Ils ont besoin de mesures incitatives et de moyens spécifiques facilitant leur fonctionnement quotidien dans ces transformations nécessaires.

    Lors de la loi de 2009 pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement – dix ans déjà ! –, la France a posé un cadre réglementaire, espérant ainsi voir les universités et écoles prendre en compte les enjeux de développement durable et de responsabilité sociétale dans la politique des établissements. Il est nécessaire que le gouvernement s’engage et soutienne fortement la mise en œuvre du Plan vert pour les universités et les grandes écoles, issu de cette loi. Nous devons construire ensemble une ambition nationale partagée par les ministères, les organismes d’évaluation et les dirigeants d’établissement en application réelle de la loi Grenelle.

    Il s’agit d’inclure pleinement les enjeux environnementaux et sociétaux : de manière transversale dans les cursus, quelle que soit la filière, afin que les étudiantes et les étudiants puissent être actrices et acteurs du changement dans leur métier ; dans la formation des personnels et sur la manière dont ils peuvent l’intégrer dans leur domaine de compétence ; au service des pratiques responsables dans les activités de recherche, d’innovation et d’entrepreneuriat ; dans le fonctionnement des établissements, des campus et de la vie étudiante.

    Soutenons les initiatives

    Commençons dès aujourd’hui par la valorisation et l’incitation systématique de l’engagement étudiant, ainsi que par l’association des étudiants à la gouvernance des établissements. Faisons évoluer l’évaluation et le classement des établissements en intégrant les critères environnementaux et sociétaux. Il est également indispensable de valoriser les activités et carrières interdisciplinaires des enseignants-chercheurs et des doctorantes et des doctorants. Autre chantier urgent : des campus exemplaires qui montrent la voie de la sobriété énergétique auprès des usagers.

    L’enseignement supérieur et la recherche dans leur globalité sont un laboratoire vivant des changements sociétaux et des solutions de demain. Il est plus que jamais nécessaire que les universités et écoles françaises intègrent l’urgence climatique et écologique dans leur stratégie, et qu’elles soient soutenues par des moyens financiers, humains et des mesures concrètes à la hauteur des enjeux. Alors que le président de la République s’apprête à présenter à la communauté internationale, lors du prochain Sommet action climat de l’ONU à New York, du 23 au 27 septembre, la feuille de route de la France sur les objectifs de développement durable, unissons nos voix, soutenons les journées des 20 et 21 septembre, encourageons les initiatives étudiantes et citoyennes. Il est temps de passer à l’action et d’engager une transformation radicale de la société face à l’urgence climatique !

     

     

    Les signataires : Jean-François Béteau, président de la Fédération nationale responsabilité sociétale et conseil en action sociale ; Gilles Bœuf, professeur à Sorbonne Université, président du conseil scientifique de l’Agence française pour la biodiversité ; Armelle Carnet Lebeurrier, présidente du Collectif pour l’intégration de la responsabilité sociétale dans l’enseignement supérieur ; Margot Duvivier, présidente du Réseau français des étudiants pour le développement durable ; Jacques Fayolle, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs ; Orlane François, présidente de la Fédération des associations générales étudiantes ; Jean Jouzel, climatologue, membre de l’Académie des sciences ; Jane Lecomte, professeure d’écologie à l’université Paris-Saclay ; Hervé Le Treut, professeur à Sorbonne Université et à l’Ecole polytechnique, membre de l’Académie des sciences ; Mélanie Luce, présidente de l’Union nationale des étudiants de France ; Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, coprésidente du groupe n° 1 du GIEC, université Paris-Saclay ; Lalie Ory, du collectif Manifeste étudiant pour un réveil écologique ; Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d’université ; Anne-Lucie Wack, présidente de la Conférence des grandes écoles.

     

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