[Innovation] Interactions humains-systèmes, le potentiel de nos yeux
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[Innovation] Interactions humains-systèmes, le potentiel de nos yeux

France Universités : date de publication

    Grâce à l’électro-oculométrie, les interactions humains-systèmes pourront se faire d’un simple clignement d’yeux. En utilisant le potentiel électrique de nos globes oculaires, les chercheurs du projet ELOCANS travaillent actuellement sur des dispositifs qui pourront être utilisés, notamment, dans l’aéronautique. Éclairage par Vsevolod Peysakhovich, enseignant chercheur l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE-SUPAERO) de Toulouse.

    L’œil est un instrument indispensable pour la vie quotidienne et d’autant plus pour de nombreux métiers où l’activité visuelle constitue l’élément primordial de l’expertise. Un contrôleur de trafic aérien concentré sur son écran de radar, un pilote de ligne pendant atterrissage scrutant les instruments de vol, un chirurgien effectuant un geste précis… Tous traitent beaucoup d’informations visuelles en effectuant des mouvements oculaires – des saccades. Parfois, ils clignent des yeux, tantôt pour dessécher rapidement l’œil, tantôt un peu plus lentement avec la fatigue qui s’accumule. Ces mouvements oculaires sont une source précieuse d’informations pour les chercheurs, ils peuvent dévoiler les secrets de l’état attentionnel et cognitif de l’expert. On peut aussi aller au-delà et utiliser la dynamique de l’œil pour concevoir les systèmes augmentés par l’interaction via le regard : désigner une cible, confirmer une commande, transmettre un court message.

    Contrôler grâce au potentiel électrique de nos yeux

    L’oculométrie se fait aujourd’hui notamment en utilisant les caméras vidéo de haute fréquence fonctionnant dans le spectre infrarouge. Cependant, de tels systèmes sont très gourmands en énergie, sont onéreux et requièrent un dispositif porté sur la tête ou une intégration complexe dans l’environnement existant, par exemple, rétrofiter un cockpit d’avion.

    Afin de répondre à ce défi technique, trois écoles aéronautiques ont formé un consortium composé de l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE-SUPAERO) ; l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) à Toulouse et l’Ecole de l’Air à Salon-de-Provence. Le consortium a obtenu un financement de l’Agence Innovation Défense de la Direction Générale de l’Armement dans le cadre du programme d’Accompagnement Spécifique des Travaux de Recherches et d’Innovation Défense (ASTRID).

    Le projet ELOCANS (Electro-oculométrie pour l’interaction humain-système et le suivi physiologique dans les environnements réels et virtuels) propose d’utiliser une technique alternative : l’électro-oculographie.  Au lieu de filmer les déplacements de l’œil, les chercheurs mesurent les variations du potentiel électrique généré par le globe oculaire. Positivement chargé au niveau de la cornée et négativement chargé au niveau de la rétine, l’œil constitue un dipôle. En mesurant les variations du signal électrique autour de l’œil, il est possible de déduire le mouvement rotationnel du globe oculaire et détecter les fermetures de la paupière. La technique nécessite très peu d’énergie pour fonctionner et les composantes électroniques coutent peu.

    Le consortium propose d’équiper les casques audios avec les électrodes pour mesurer l’activité visuelle. Les pilotes et les contrôleurs aériens portant déjà des casques, il suffit d’utiliser un matériau conducteur (rigide recouvert d’argent ou en tissue conductrice flexible) et de placer l’électrode sur la surface disponible sur les casques audio. Et, oui, on peut détecter le potentiel généré par l’œil près des oreilles !

    Malgré des résultats prometteurs, identifier les mouvements oculaires à partir de ces données en temps réel reste un défi, le signal devenant faible et bruité dans ces conditions.

    Une technologie du futur

    Les chercheurs ont déjà fait des premiers essais dans les conditions de laboratoire avec les réseaux de neurones qui permettent d’identifier les saccades et les clignements. Mais afin d’être utilisable dans la vie opérationnelle beaucoup d’essais sont encore à pourvoir.

    Certains sont déjà prévus cette année comme les essais en vol réel pour vérifier les interférences électromagnétiques et les artefacts dus au mouvement de la tête ; ainsi qu’un essai en centrifugeuse pour vérifier l’impact du facteur de charge.

    Le projet ELOCANS se termine en juin 2022 où il passera le flambeau au projet suivant. Le consortium sera élargi et inclura un industriel qui intégrera ces résultats de recherche et de développement dans un casque de pilote déjà présent sur le marché. Ces nouvelles fonctionnalités permettront au concepteur de cockpits et de systèmes aéronautiques d’utiliser les mouvements oculaires pour améliorer l’interaction entre l’humain et le système. Il suivra également l’état psycho-physiologique de l’opérateur. Tout cela, à faible consommation énergétique, qui rend l’usage compatible avec les missions de longues durées.

     

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