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[Eclairage] Confinement et activité physique : les dangers de la chaise

France Universités : date de publication

    Par Martine Duclos, professeur des universités et praticien hospitalier, service de médecine du sport, CHU Clermont-FerrandUniversité Clermont Auvergne.

    Il y a encore peu de temps, quand nous pouvions bouger librement, nous n’en profitions pas assez, sans le savoir. C’est maintenant que nous nous rendons compte à quel point bouger nous manque.

    Quel était le niveau d’activité physique en France avant confinement ?

    Les études montrent que le niveau d’activité physique des Français, quel que soit leur âge, était insuffisant au regard des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). C’est le cas de 45% des hommes et 55% des femmes (étude INCA3 qui avait utilisée des auto-questionnaires). Si des mesures objectives d’activité physique sont réalisées (accéléromètres), c’est 70% des adultes qui ont un niveau d’activité physique inférieur aux recommandations. Pour les enfants, les chiffres sont encore plus préoccupants : les trois quarts des enfants et adolescents de 3 à 17 ans n’atteignent pas les recommandations de l’OMS mais les chiffres atteignent 90% si on utilise des accéléromètres.

    Depuis les dernières décennies, le progrès technique, la mécanisation des tâches professionnelles mais aussi domestiques ont conduit à une diminution très importante du niveau d’activité physique nécessaire pour les activités professionnelles, domestiques, lors des déplacements voire de loisirs. A tel point que homo erectus (puis sapiens) est devenu « homo sedentarus ». Ainsi, depuis une dizaine d’années, le terme « sédentarité » a été rajouté au langage des scientifiques pour étudier l’effet de ce comportement sur la santé.

    La sédentarité ce n’est pas le manque d’activité physique

    L’activité physique est définie comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique par rapport à la dépense énergétique de repos ». Elle peut être pratiquée dans différents contextes : au travail, lors des déplacements, des activités domestiques et des loisirs. Ces derniers incluent le sport et l’activité physique de loisirs non structurée. Le sport n’est donc qu’un des composants de l’activité physique. Toutes les formes d’activité physique sont bénéfiques pour la santé, quel que soit l’âge, à condition que l’activité physique soit réalisée régulièrement et avec une intensité et une durée suffisantes.
    Le terme «inactif» caractérise un niveau insuffisant d’activité physique pour la santé (inférieur aux recommandations : 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée 5 fois par semaine pour les adultes ou 3 fois 20 minutes d’activité physique d’intensité de forte intensité ou une combinaison des deux et 60 min/jour pour les enfants et adolescents.

    Depuis 2010, un nouveau paradigme a été défini : la sédentarité. Le comportement sédentaire est défini par le temps passé assis (ou allongé) en situation d’éveil : lors des déplacements utilisant des moyens de transports passifs (voiture, transports en commun), lors des loisirs (temps d’écrans, de lecture…) et lors du travail. Il est reconnu comme un comportement distinct du comportement d’activité physique avec ses effets propres sur la santé et il ne peut pas être uniquement défini par le manque d’activité physique.

    La sédentarité est un facteur de risque de mortalité précoce indépendamment du niveau d’activité physique

    Autant les effets de l’activité physique sur la santé sont connus de la population générale, autant ceux de la sédentarité ne sont pas assez connus.
    Rappelons que l’insuffisance d’activité physique est la 4ème cause de mortalité dans le monde et qu’elle est responsable d’autant de décès que le tabagisme. Les études ont démontré avec un haut niveau de preuves scientifiques que l’activité physique et sportive régulière permettait de prévenir et de traiter la plupart des maladies chroniques non transmissibles : maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancer du côlon, du sein, de l’endomètre. L’activité physique contribue aussi à la prévention des principaux facteurs de risques de ces maladies : hypertension artérielle, surpoids et obésité et est associée à une meilleure santé mentale (anxiété, dépression), un retard à l’apparition des démences et à une amélioration de la qualité de vie et du bien-être.
    Mais la mécanisation de notre environnement qui réduit voire peut totalement supprimer notre activité physique spontanée, s’accompagne aussi d’une sédentarité très importante. Et la combinaison de ces deux facteurs n’est pas soluble avec notre programmation génétique qui remonte à plus de 40000 ans, période où nous étions des chasseurs-cueilleurs.

    L’activité physique ne protège pas des effets sur la santé d’un excès de sédentarité

    Les études de cohortes montrent qu’il existe une relation dose-effet entre le temps total par jour passé à des comportements sédentaires et la mortalité globale et cardio-vasculaire. Une méta-analyse portant sur six études de cohortes (33 386 sujets) ayant utilisé des accéléromètres (mesure objective de l’activité physique utilisant des capteurs) a montré que la mortalité augmentait graduellement à partir de 9h de sédentarité par jour, avec un risque de mortalité globale augmenté de 48% pour 10h/j assis et multiplié par 2,92 pour 12h/j assis (analyse multivariée tenant compte de tous les autres facteurs de risques et du niveau d’activité physique). Cette surmortalité s’explique par un risque deux fois plus important de développer un diabète de type 2, de présenter une maladie cardiovasculaire ou certains cancers (colon, endomètre). Ces associations persistent après ajustement pour le niveau d’activité physique.
    En d’autres termes, la sédentarité est un facteur de risque de mortalité indépendamment du niveau d’activité physique. Même si on pratique 150 minutes d’activité physique par semaine, rester assis trop longtemps augmente les risques de développer des maladies chroniques. Ainsi, par exemple, une personne passant plus de 5 heures devant la télévision et pratiquant moins de 5 minutes d’activité physique par jour voit son risque de mortalité augmenter de 90 %.

    Confinement et activité physique : quelles solutions ?

    Avant le confinement, le temps de sédentarité était déjà trop élevé
    Chez les adultes l’étude Nutrinet estime à environ 12 heures le temps moyen passé en position assise lors d’une journée de travail et 9 heures lors d’une journée non travaillée. Ces résultats rejoignent les données rapportées dans les autres pays européens. Chez les enfants le temps passé assis augmente de façon dramatique à partir de l’entrée en primaire : il représente 45% du temps éveillé pour atteindre 75% à 14-15 ans.

    “Le télétravail c’est encore rajouter du temps assis au temps assis.

    Ce dernier occupait déjà 12h de nos journées travaillées en temps normal. Avec le confinement il n’y a plus les déplacements pour aller au travail, les cafés entre collègues, les pauses déjeuner, les courses faites en courant, les enfants à aller chercher, et pour certains, la séance de sport régulière… 

    Quelques jours de confinement et beaucoup se plaignent déjà de lombalgies
    Le problème ne vient pas du dos mais de la chaise. Du fait de l’espace réduit, l’activité physique diminue et elle est remplacée par encore plus de temps assis : en télétravail mais aussi lors des activités de loisirs : vidéos, jeux connectés, ordinateurs pour communiquer avec les proches…

    Résultats : fatigue, mauvaise qualité de sommeil, stress et anxiété, et lombalgies, pour l’instant…dans deux semaines, à ce rythme il faudra rajouter les effets du déconditionnement physique.

    Deux solutions possibles :

    1. Continuer la fusion symbiotique avec notre chaise, et ajouter un anxiolytique (pour lutter contre le stress), un laxatif (pour lutter contre la constipation), un antispasmodique (pour lutter contre les ballonnements digestifs), un antalgique (contre le mal de dos) et enfin le somnifère pour dormir le soir et peut-être un pansement digestif, car avec tous ces médicaments le mal d’estomac n’est pas exclu…Plus un mélange multivitaminé parce qu’on est malgré tout fatigué (alors qu’il est bien démontré que l’apport de vitamines est inutile voire dangereux pour notre homéostasie [équilibre interne] si on a une alimentation équilibrée, car cet apport exogène à doses massives rompt le subtil équilibre de la balance oxydants/anti-oxydants).
    2. Ou bouger et se décoller de sa chaise R-E-G-U-L-I-E-R-E-M-E-N-T.
     
    Lire l’article dans son intégralité sur le site de l’Université Clermont Auvergne
     
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