[Projet] Red Team : réunir science, science-fiction et art pour anticiper l’avenir
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[Projet] Red Team : réunir science, science-fiction et art pour anticiper l’avenir

France Universités : date de publication

    Crédits photo : Timothy Rodriguez

    En 2019, bien avant qu’une pandémie ébranle le monde et que le quotidien prenne soudain des airs de fiction, l’Université PSL a été lauréate de l’appel à projets Red Team lancé par la toute nouvelle Agence de l’Innovation de Défense (AID) du ministère des Armées. Il s’agissait de créer une équipe composée d’auteurs de science-fiction, d’experts et de scientifiques dont le rôle serait d’élaborer des scénarii d’anticipation des risques numériques, technologiques, économiques, sociétaux et environnementaux des années 2030 – 2060, visant à nourrir la stratégie de prospective du ministère. Éclairage par Cédric Denis-Rémis, vice-président développement, innovation et entrepreneuriat de l’Université PSL et pilote du projet à PSL.

    Riche de l’interdisciplinarité académique fondatrice de son modèle, PSL a su faire valoir son expérience dans la mise en œuvre de nombreux projets de recherche et création réunissant chercheurs et artistes de ses établissements-composantes et partenaires, depuis sa création il y a une dizaine d’années. Elle se trouvait de fait idéalement placée pour donner vie à des scénarii étayés d’expertise scientifique, mais aussi pour développer divers projets de recherche en parallèle des travaux de la Red Team.

    Faire appel à la Science et à la Fiction pour anticiper l’avenir

    Au printemps 2020, le projet a réuni dix scénaristes et auteurs de science-fiction. S’y côtoient, pour ne citer que quelques noms, Laurent Genefort, écrivain français de science-fiction maintes fois primé, Virginie Tournay, directrice de recherche CNRS au CEVIPOF (Science Po), mais aussi DOA, écrivain français et producteur de séries télévisées à succès, et également François Schuiten, grand nom de la bande dessinée, dont les albums ont été traduits dans une dizaine de langues et ont obtenu de nombreuses récompenses.  Elles et ils forment la RedTeam et sont assistés d’un comité scientifique et éthique composé de six personnalités issues de la communauté PSL : Fabienne Casoli – présidente de l’Observatoire de Paris – PSL, Gloria Origgi – directrice de recherche et philosophe à  l’ENS -PSL, Pascal Le Masson – enseignant-chercheur à MINES Paris – PSL, Sébastien Damart, professeur des universités  à Dauphine – PSL, Nathalie Coste-Cerdan – directrice générale de La Fémis et moi-même en tant que vice-président développement, innovation et entrepreneuriat de l’Université PSL et pilote du projet à PSL.

    Pour ses premiers travaux, la Red Team a produit deux scénarii dessinant les contours d’une nouvelle piraterie. Le scénario P-Nation décrit la création d’une nation pirate installée sur des structures flottantes réparties à différents endroits de l’Atlantique. Il envisage, en s’appuyant sur des données scientifiques, un ascenseur spatial destiné à la conquête des richesses minières des astéroïdes, une attaque de chimiquier, le puçage généralisé des populations, etc. Le deuxième scénario, Barbaresques 3.0, imagine en Méditerranée une piraterie « éclair » utilisant la profondeur de l’Afrique du Nord pour mener des raids sur le commerce civil. Hacking des connexions neurales, utilisation de dispositifs inspirés des « deep fake » permettent de déclencher des tirs entre vaisseaux alliés.

    Ces scénarii ont été élaborés sur la base d’ateliers de travail réguliers. La mission des chercheurs de PSL est de « nourrir » les auteurs en connaissances scientifiques. L’élaboration du scénario d’ascenseur spatial, par exemple, s’est faite à partir des dernières avancées de la recherche et des espérances scientifiques autour des nanotubes de carbone, un matériau prometteur. Néanmoins, les auteurs restent libres de tricher avec le réel. Le comité scientifique et éthique veille justement au respect de la liberté et à la non-censure. Le rôle de PSL est exactement d’animer les interactions entre auteurs et scientifiques, pour que le travail produit, quelquefois éloigné du réel, s’inscrive dans un « cône de vraisemblance ».

    Les œuvres de science-fiction : un objet de recherche

    Le projet n’en est qu’à ses débuts. Trois saisons sont prévues et nous accueillerons prochainement les premiers doctorantes et doctorants. Les scénarii d’anticipation de la Red Team deviendront ainsi un objet de recherche comme c’est le cas dans de nombreuses disciplines. En science des organisations, par exemple, Sonia Adam-Ledunois et Sébastien Damart, enseignants-chercheurs à Dauphine – PSL et futurs co-directeurs d’un projet doctoral de la Red Team, mobilisent les représentations dystopiques pour repérer les éventuels travers et évolutions des modèles organisationnels. Le projet RedTeam permettra d’aller plus loin dans cette démarche scientifique. Comme l’indique Sonia Adam-Ledunois, très impliquée dans le suivi scientifique des activités de la Red Team « Le projet permet de travailler sur des œuvres littéraires de science-fiction co-construites en étant au plus près de leurs auteurs et des acteurs de terrain. Dans ce contexte, les œuvres constituent un artefact fertile en termes de génération de concepts et de facilitation des démarches de conception innovante en atténuant certains effets de fixation ». L’un des premiers projets de thèse portera ainsi sur le pouvoir génératif de la science-fiction dans les démarches de conception innovante. Il sera rejoint par un projet doctoral autour des méthodes d’innovation sous la direction de Pascal Le Masson (professeur à Mines Paris- PSL) et des projets de thèse sont à l’étude au sein des laboratoires de l’Observatoire de Paris – PSL.

     

    Pour aller plus loin :

     

    Lire L’instant recherche n°20 – La recherche innove au service de la défense

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